Il arrive souvent que de grands écrivains, y compris des lauréats du Prix Nobel soient en désaccord sur une idée ou un projet. Ils se combattent alors à coups de livres, d’articles et d’interviews. Mais ce qui est arrivé entre Gabriel Garcia Marquez et Mario Vargas Lloza est unique !
L’incident a eu lieu en février 1976 dans le Palais des Beaux Arts à Mexico City, à l’occasion de la projection du film d’Alvaro Covacevitch, l’Odyssée des Andes. C’est Mario Vargas Lloza qui en a écrit le scénario, et tout le gratin de la ville était présent et la presse n’en a raté aucun détail.
Parmi les présents à l’événement, le colombien Gabriel Garcia Marquez, ami de longue date de Mario. Depuis les années cinquante, Gabriel et Mario se connaissaient et se fréquentaient régulièrement. Surtout qu’à cette époque, tous deux étaient installés à Paris, chacun avec sa propre famille. Gabriel est même devenu le parrain du dernier fils de Mario, et en 1971, Vargas Lloza soutient sa thèse de doctorat sur l’oeuvre de Garcia Marquez.
Un jour, Gabriel rencontre Patricia, la femme à Mario à Barcelone. Elle l’informe qu’avec son époux, les choses n’allaient pas bien. Elle lui apprend aussi que son mari latrompait et elle ne savait plus quoi faire. Après avoir fait le tour de la question, Gabriel conseilla à Patricia de quitter son mari et d’envisager une autre vie. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu, et le couple Garcia Lloza s’est réconcilié et s’est remis ensemble. Du moins pour quelques années, avant qu’il ne foire à nouveau, allant jusqu’au divorce définitif.
Mario Vargas Lloza et Gabriel Garcia Marquez ne s’étaient plus revus depuis longtemps, et chacun a eu la carrière que l’on connaît, devenant Prix Nobel de Littérature. Gabriel en 1982 et Mario en 2010.
Durant cette soirée de 1976 à Mexico, Gabriel Garcia Marquez a tenu à aller saluer son vieil ami et le féliciter pour le scénario qu’il avait écrit pour le film qui a réunit autant de monde. Arrivé face à face, Gabriel a tendu ses bras pour enlacer Mario. Mais celui-ci, surprit par la venue de Gabriel lui dit : « «Comment tu peux oser venir ici et me saluer après ce que tu as fait à Patricia à Barcelone!». Alors que personne ne s’y attendait, Mario Vargas Lloza s’est mis à donner des coups de poings à Gabriel Garcia Marquez, l’envoyant violemment au sol. Les présents se sont empressés de les séparer, et personne n’y comprenait rien. Deux géants mondiaux de la littérature avaient abandonné la plume pour se battre aux poings.
Certains ont vite interprété l’incident comme l’expression d’un différend politique, puisque les deux écrivains ont choisi des camps opposés. Alors que Mario est passé du communisme au libéralisme, Gabriel s’est fortement rapproché de Fidel Castro. Mais ce n’était pas la raison pour laquelle il s’est retrouvé avec un œil au beur noir.
Les deux hommes passeront le restant de leur vie à s’éviter, et aucun d’eux n’a plus reparlé de cet incident, malgré l’insistance de la presse. Mais à la mort de Garcia Marquez, en 2104, Mario Vargas Lloza a tenu à lui rendre hommage en ces termes : « «Un grand auteur nous a quittés. Ses œuvres lui survivent et continueront à conquérir des lecteurs à travers le monde. Toutes mes condoléances à sa famille.» Et à propos de leu dispute, il ajoute : « Garcia Marquez et moi avons fait un pacte, celui de ne pas alimenter les rumeurs sur nos relations, ainsi, il est mort en tenant parole et je mourrai en tenant parole ».
Mario Vargas Lloza est né au Pérou en 1936. Il est auteur de plusieurs romans et essais politiques. Il a été nobélisé en 2010 pour « sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son échec », selon le comité Nobel. Il est est considéré comme l'un des grands noms du boom de la littérature latino-américaine des années 1960. Il a été révélé au monde e, 1963 grâce à son livre « La ville et les chiens », alors qu’il n’avait que 27 ans.
Quant à Gabriel Garcia Marquez, il est né en 1927 en Colombie. Il était journaliste et militant politique, en même temps que nouvelliste et romancier. Il était l’un des plus grands écrivains de 20eme siècle, et a su conquérir le monde entier avec ses écrits qui racontent la vie des gens en Amérique Latine. Son engagement politique lui a valu bien des déboires, surtout au moment ou il s’était rapproché de la révolution cubaine. Son œuvre la plus célèbre est « Cent ans de solitude », paru en 1967.
L’histoire nous rapporte que les disputes entre écrivains sont monnaie courante. A l’exemple des celles opposant Jean Paul Sartre et Albert Camus, Stephen King et James Patterson, Charles Dickens et Hans Christian Anderson, Rachid Boudjedra et Kateb Yacine, etc...
Ces disputes offrent l’avantage d’alimenter la littérature et d’enrichir les débats intellectuels, surtout quant elles concernent autre chose que des affaires personnelles et qu’elle se transforment en débats d’idées.
Nabil Z.
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Eclaire dans la nuit
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