En lisant le texte de la plateforme de la conférence nationale dite des dynamiques de la société civile, on ne peut s’empêcher de se poser des questions. Des centaines de délégués représentant des partis politiques, des syndicats et des associations de toutes sortes se sont réunis pour obtenir le consensus d’un texte qui serait proposé au pouvoir, dans le but de sortir de la crise actuelle.
Ainsi, un consensus a été trouvé entre ces différents acteurs et un texte a été rendu public. Plusieurs participants, interviewés par la presse ont exprimé leur satisfaction quant au résultat obtenu. Ils appellent même les autres acteurs de la société civile à les rejoindre dans cette démarche pour la généraliser et ainsi convaincre le pouvoir de l’adopter, ou du moins, d’en accepter les grandes lignes.
Ce qui est quand même frappant, c’est que ces rencontres n’ont pu avoir lieu qu’une fois que Bensalah les y a invités. C’est comme un coup de sifflet, annonçant discrètement l’accord du pouvoir pour que ces rencontres aient lieu. Et tout comme au temps béni du parti unique, lesdits délégués se sont attelés à la tâche, et ont pondu un texte d’une vacuité consternante. En parcourant les lignes du communiqué final, on se rend compte qu’il reprend les idées et revendication du mouvement de contestation populaire qui a commencé le 16 Février à Kherrata.
Non seulement les participants à ladite réunion n’ont pas compris que la politique est un rapport de forces, et que le peuple est en position de vainqueur, mais ils se sont contentés de donner au pouvoir absolument ce qu’il voulait : une courte transition, un simple changement de gouvernants, et une latitude pour apprécier le temps opportun pour une éventuelle mise en pratique d’un calendrier non encore discuté. En attendant, Bensalah va devenir illégal à partir du 9 juillet prochain, et l’Algérie va devoir entrer dans une période d’extra constitutionnalité avérée.
De plus, en réclamant des conditions adéquates pour préparer les prochaines présidentielles, nos délégués auto-proclamés semblent avoir oublié que l’actuelle loi régissant l’organisation des élections doit être absolument amendée, si ce n’est complètement changée. Il semblerait que les instruments juridiques sont d’une importance non encore suffisamment saisie par ces négociateurs.
Par ailleurs, on peut aisément constater qu’aucun effort intellectuel n’a été fourni lors de cette rencontre. Aucune idée originale, aucun courage politique n’a été montré dans le texte de la plateforme. C’est en réalité, un texte que deux ou trois délégués auraient suffit à rédiger, tant à la fois dans le fonds, il est un simple résumé des revendications de la rue, et dans la forme, une formalisation des attentes des décideurs.
On a l’impression, dans la forme du déroulement de la réunion et dans son contenu, d’avoir assisté aux bonnes vieilles réunions du CC du FLN, ou encore pire, celles des alliances politiques entre des partis inféodés au régime. En réalité, cette rencontre a été provoquée pour satisfaire aux injonctions des restes du régime, pour pouvoir lui donner toute la latitude de se régénérer, et de se remettre sur les rails. La demande principale des manifestants a été tout bonnement méprisée, à savoir « Tetnahaw Gaâ ». Les délégués de cette réunion, non seulement n’ont pas été à la hauteur de leur devoir, mais ils ont bel et bien contribué à fermer le dialogue, laissant au régime la liberté d’agir sur la forme, sans rien toucher au fonds. Ils auraient pu profiter de leur rencontre pour peser sur les rapports de forces et exiger l’application des revendications populaires dans une forme évoluée, forts d’une vingtaine de millions de marcheurs hebdomadaires en soutien.
Au final, en ignorant la vague populaire qui déferle sur le pays depuis des semaines, la montagne de délégués n’a accouché que d’une souris que tous vont essayer d’attraper, et qui finira par les trainer vers un ravin qu’ils n’ont pas prévus, et qui ne figure pas sur leur feuille de route.
Nabil Ziani
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