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Photo du rédacteurNabil Z.

Quand Mouna Hachim Nous Présente une Histoire Décalée de l’Afrique du Nord.

Mouna Hachim est une enseignante marocaine qui s’est fortement penchée sur l’histoire réelle de l’Afrique du Nord, prenant souvent à contre-pied l’historiographie officielle. Elle vient de publier un livre remarqué sur l’« Histoire inattendue du Maroc ».



Mouna Hachim aime l’histoire et en a fait son domaine de prédilection. Elle a, depuis des années, revisité l’historiographie officielle, telle que présentée dans les pays du Maghreb. Elle a épluché les livres d’histoire, en y jetant un regard critique, méthodique et intelligent. Une des choses qu’elle distingue est la différence entre islamisation et arabisation. Ce sont deux choses différentes qui ont eu lieu à des périodes différentes.

L’islamisation a été la première chose introduite en Afrique du Nord par les arabes en passant par la Libye. A cette époque, les berbères, qui sont ethniquement une seule et même entité, étaient religieusement et politiquement divisés. Au niveau religieux, l’Afrique du Nord était en proie à deux grands schismes provoqués d’une part, par le dogme arianiste que les Vandales avaient appliqué lors de leurs invasions durant un siècle. Cette doctrine inventée par Arius, un Libyen, avait fortement secoué la Berbérie chrétienne, puisqu’elle remettait en cause celle basée sur la Christologie, notamment telle qu’enseignée par Tertullien, Cyprien et Augustin. Le désaccord en serait resté au niveau théologique seulement, si les Vandales n’avaient pas voulu l’imposer en tant que religion officielle.


D’un autre côté, le schisme donatiste faisait également rage, puisque Donat et ses compagnons affichaient une opposition de principe contre les dogmes catholiques et avaient créé un puissant mouvement qui peu à peu, avait versé dans la violence, affaiblissant de cette façon la vie religieuse et spirituelle de toute l’Afrique du Nord. 

L’arrivée des arabes au temps de Omar Ibn Khattab s’est déroulée à cette époque de grande confusion. Le Coran n’était pas encore canonisé, et il n’existait pas encore de version officielle et définitive du premier livre arabe. Ce qui fait que la prédication était encore très souple et variait selon les prédicateurs. En cela, les berbères ont cru que l’islam n’était qu’une nouvelle secte chrétienne qu’il allaient tolérer. Les arabes ne sont donc pas venus avec un livre, mais avec une épée. Et ce fut, petit à petit, par la force que l’Islam a été répandu, durant une période de soixante-huit ans, suite à une série de huit invasions meurtrières.

Mouna Hachim raconte la résistance des berbères, en revenant sur les combats de Kouseila, de la Kahina, et de la mésaventure de Tarik Ibn Ziad qui, après avoir ouvert la voie vers l’Andalousie, a été victime de la jalousie de son chef qui l’a banni. On ne sait pas vraiment comment il est mort sur le chemin de Damas. 

Dans « Histoire inattendue du Maroc », Mouna Hachim corrige l’historiographie en revenant sur les textes historiques et en les étudiant de manière critique. Elle note que beaucoup de ces textes relèvent de la propagande, puisqu’ils n’ont été rédigés que des siècles après les événements. Une sorte de mythe arabe s’est donc constitué pour peu à peu, convaincre les berbères de la supériorité de l’arabité et les pousser à s’arabiser. Chose qui ne fut pas aisée, puisque la langue berbère reste encore vivace en Afrique du Nord.

Mona Hachim raconte la fondation de Kérouan, celle de Tahert et de Sijilmassa. Chacune des villes porte en elle-même l’histoire de luttes acharnées et de violences extrêmes, surtout quand le Maghreb fut devenu Kharidjite, renvoyant dos à dos les autres dogmes musulmans. Citant Ibn Khaldoun et en donnant des détails, elle rappelle que les Berbères ont apostasié douze fois. Le comportement des chefs arabes envers les berbères fut des plus odieux. Les arabes se considéraient supérieurs aux berbères et ne les laissaient pas exercer des postes de responsabilité, prétextant qu’ils étaient de race plus noble que celle des berbères. Une délégation de quarante chefs berbères fut donc constituée. Elle s’est rendue à Damas pour se plaindre auprès du Khalife. Mais celui-ci a refusé de les recevoir. De retour au Maghreb, ces chefs ont organisé une résistance encore plus féroce. Un tiers des chefs arabes au Maghreb fut tué, un autre tiers s’est enfui et un autre dispersé. Les dynasties berbères ont alors commencé à émerger.

Selon Mona Hachim, « La présence de l’islam en Afrique du Nord et en Andalousie sur plusieurs siècles semble avoir été préparée par une conquête plutôt facile, dans les versions apologétiques des sources islamiques. Sauf que la présentation historique contemporaine est beaucoup plus contrastée... Et l’historiographie récente de ces contrées ancrées en Afrique et en Méditerranée autorise une autre lecture ». Elle ajoute : « La question de l'islamisation est extrêmement importante parce que justement, parmi les mythes véhiculés, c'est que cette islamisation aurait été un long fleuve tranquille et que les révoltes berbères se résumaient à quelques mouvements sporadiques éphémères. Or on sait que ce n'est absolument pas le cas ».

Il serait donc temps de briser tous les mythes et de revenir à l’histoire réelle. Pour y arriver, il faut arracher notre histoire des mains des politiciens, de celles des religieux et de celles des idéologues et laisser les spécialistes faire leur travail et nous dire ce qui s’est réellement passé. L’auteur de ce livre s’est basé sur l’histoire du Maroc. Mais elle s’est vite rendu compte que la séparation du Maroc du reste du Maghreb n’est qu’artificielle. Dans le passé, ce pays constituait une unité totale avec le reste de l’Afrique du Nord. Il est donc impossible de l’isoler pour l’étudier à part. D’ailleurs, les histoires racontées dans ce livre concernent aussi bien la Libye que le Tunisie, l’Algérie et l’Espagne en plus du Maroc.

« Une histoire du Maroc » ne passera donc pas inaperçu puisque ce livre revient sur la berbérité du pays colonisé depuis des siècles par les arabes. L'Histoire officielle de cette partie du monde, comme celles des autres d’ailleurs, ne serait qu’" une fable convenue" selon le mot de Fontenelle attribué à Napoléon ? « Ainsi en va-t-il de la question berbère », pour reprendre la présentation du livre par l’éditeur. Comment dénoncer les contes officiels qui furent élaborés à son sujet au long des siècles et qui sont repris dans les manuels scolaires pour nous abreuver d’une histoire manipulée, déformée et parfois même, inventée ? Tel est l'exercice à la fois périlleux et passionnant auquel s’est livré Mouna Hachim. 

D'énigmes en contre-vérité, de trahisons ou de guerres intestines en bains de sang, combien de pages ont été édulcorées, si ce n'est arrachées, de l'Histoire ? Et voici que, sous forme de chroniques thématiques, l'auteur, se fondant sur des documents variés et réclamant le droit à une relecture du passé, aborde l'Histoire du Maroc dans son ancrage africain et méditerranéen. 

Que furent ces Berbères durant la période antéislamique ? Quel fut leur rôle dans les guerres puniques ? leur contribution au christianisme et à la latinité ? Qu'en est-il de leurs révoltes contre les Arabes ? Que penser des principaux mythes fondateurs de la conquête musulmane ? Avec une grande rigueur scientifique, même s'il se lit comme un roman, ce livre éclaire de façon magistrale un côté inattendu de l'Histoire de l’Afrique du Nord.

Un livre qui devrait vite être mis entre les mains de tous ceux qui cherchent à découvrir, savoir et comprendre leur histoire.

Nabil Z.

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