Nos élites sont souvent parties vivre à l’étranger pour différentes raisons. La plus importante, c’est la quête d’une vie meilleure. Un épanouissement dans un environnement libre et riche en rencontres et moyens de développement de ses talents et de sa vocation. Pourtant, certains revisitent leur pays, et contribuent à leur façon à son développement artistique et culturel. Et Béjaia en reçoit de façon régulière. Voici trois algériens qui sont revenus dans leur pays, chacun dans son domaine de prédilection, pour se faire connaître, partager son art et apporter quelque chose au pays.
Elsa Hamnane
Elsa Hamnane est une comédienne franco-algérienne, originaire de la région d’Akbou. Elle a découvert son pays d’origine il y a environ six ans. Depuis, elle ne rate pas l’occasion d’y revenir et d’y travailler. Elle s’est toujours sentie algérienne, et son père n’a pas cessé de lui raconter le pays. Elle a toujours rêvé de le visiter, mais les circonstances ne le lui ont pas permis. Elle a consacré son enfance et sa jeunesse à faire des études dans plusieurs domaines.
Après une classe préparatoire en philosophie, Elsa a fait un Master de Lettres Modernes. Ensuite, elle a intégré un Conservatoire d’Arts Dramatiques à Paris. Sa formation lui a permis d’enrichir ses activités : comédienne, metteuse en scène, puis chef de projets culturels dans différentes compagnies en France. Mais elle est allée encore plus loin. Elle s’est intéressée aux différentes formes théâtrales traditionnelles et ancestrales et s’est formée aux techniques du clown et à celles de la Comedia dell arte. Grâce à son talent et à son travail, elle s’est distinguée par ses créations dans le cadre de son travail de metteuse en scène. Cela lui vaudra d’être sélectionnée pour participer à un «Laboratoire de Recherches Théâtrales», ou elle réalisa, en compagnie d’autres artistes, une étude comparée d’auteurs contemporains Français et Uruguayens. En plus du travail technique qu’elle développe en tant que metteuse en scène, elle est également musicienne et chanteuse. Elle compose des musiques pour le théâtre et dirige une chorale. Elle participera en tant que musicienne et chanteuse à l’élaboration du livret de Roberto Zucco au Broadway Danse Center de New York. Ce fut une forme de reconnaissance internationale de la valeur de son art et de son travail. Elle continue à jouer en tant que comédienne dans plusieurs pièces, notamment de Marivaux et de Tchekhov. Elle met en scène plusieurs autres œuvres, puis conçoit et met en œuvre elle-même plusieurs projets culturels, pédagogiques et sociaux pour la compagnie AthénThéâtre. En parallèle, elle donne des cours de communication à divers endroits.
La découverte du pays de ses ancêtres l’a emmené à s’engager à développer quelque chose à Béjaia. Elle y lance une série de formations, dont des Master Classes à la Maison de la Culture «Taos Amrouche». Omar Fatmouche, ancien directeur du théâtre régional de Béjaïa, n’ignorait rien de la carrière et des talents d’Elsa Hamnane. Il lui proposera alors de monter une pièce théâtrale en formant toute une troupe de comédiens et de produire « Ibn Batuta ». Pièce qui eut un succès dans tout le pays et qui a aussi été primé il y a de cela quelques mois. Actuellement, et en toute discrétion, elle est en train de préparer une autre pièce dont elle garde encore le secret.
Malik Alouche
Malik René Allouche est un fils de Béjaia. Il y a vécu jusqu’à l’âge de trente ans. A ce moment, il décide d’aller vivre en France où il exercera son métier d’architecte. Il avait déjà commencé à collectionner les cartes postales anciennes de sa ville dès le début des années quatre-vingt-dix. Un jour, il est tombé sur un certain nombre de cartes anciennes datant du début du vingtième siècle, quand les soldats Français détachés en Algérie envoyaient des cartes à leurs parents restés en métropole. Il s’est alors mis à en collectionner de toutes sortes : paysages, personnages, bâtiments, places publiques, etc. Au total, plus de quatre cents cartes postales ont été présentées au public bougiote lors d’une exposition qu’il a présentée au Théâtre Régional de Béjaïa, en Décembre dernier. Le public y a découvert la ville et la région de Bougie telles qu’elles étaient dès le début du vingtième siècle, et voir leur transformation au fil du temps. René Malik prend son plaisir à rechercher ses témoins de l’Histoire. Ces images qui racontent Bougie au fil du temps. Retrouver des cartes anciennes, rares et se les procurer peut coûter cher. Mais leur prix ne semble pas être un véritable obstacle pour cet amoureux de la ville de Bougie. D’ailleurs, pour son projet de fin d’études en architecture, il voulait faire profiter la ville d’une idée qu’il avait eue et qui consistait en l’aménagement de la ZET (Zone d’Extension Touristique) de Boulimat, tandis que sa femme avait travaillé sur un projet d’aménagement du port et du front de mer, pour créer une synergie entre le port et la ville. René Malik Allouche se désole quand il voit l’état de délabrement des Aiguades, du Cap Carbon du Pic des Singes. Il est triste de voir comment ce joyau de la ville de Béjaïa se détériore, et menace ruine. Il a proposé à maintes reprises aux autorités de la ville de mettre ses compétences au service du développement urbain de Béjaia, mais son offre est restée lettre morte. Il revient quand même à chaque fois qu’il peut, car sa ville reste très chère à son cœur, avec ses amis et sa famille à qui il ne manque pas aussi de rendre visite.
Boubeker Hamsi
Musicien, chanteur, conteur et peintre, il est un artiste polyvalent et autodidacte, dont la réputation n’est plus à faire en Belgique et à l’étranger. Les journaux, les radios et les télévisons belges et étrangères lui consacrent plusieurs reportages. Malheureusement, il demeure assez inconnu chez lui en Algérie. Boubeker Hamis vit en Belgique. Il est natif de Béjaïa. Il n’a de cesse d’apporter sa collaboration avec le TRB à diverses manifestations artistiques belges. Cette semaine, il est revenu à Béjaia présenter son travail surtout aux enfants à qui il a envie de consacrer du temps. Il a prévu de faire la projection du conte «Aïcha, l'ogre et père Inouva», réalisé par Ouftivi, puis la présentation du conte «Le Citronnier du roi et le coffre de la reine» par la comédienne Mounia, accompagnée du musicien Bazou. En même temps, une exposition composée d'illustrations qu’il a réalisées lui-même est présentée dans le hall du TRB. De même, il a prévu en fin de programme, une séance qui sera organisée pour dédicacer quelques exemplaires de son livre. Celui-ci, d’une soixantaine de pages, contient près d’une cinquantaine d’illustrations, tandis que le CD qui l’accompagne est enrichi d’animations sonores avec des contes lus et accompagnés de musique.
Ce n’est pas la première fois que Boubeker Hamsi produit un livre pour enfants. Dès 1985, il prend le risque de se lancer dans l'écriture de contes et publie plusieurs livres dont celui qui l’a rendu célèbre, «Contes berbères de Kabylie». La même année, il enregistre et produit un album en version française. En 1990, il sort «Aïcha, l’ogre et vava Inouva». Une année après, il produit une nouvelle version de ses «Contes de Kabylie» sur un livre/cassette. Auparavant, en 1987, il avait réalisé au profit de l’UNICEF, dans le cadre de l’année internationale pour la paix, un livret/45 tours intitulé “Si tu veux la paix prépare l’enfance”, puis édite chez Casterman, «Le vieux, l’enfant, et la canne». D’autres produits sont sortis les années d’après en divers endroits. Mais Boubeker est resté un ambassadeur de la culture kabyle au profit des enfants. Lui-même est né à Béjaia en 1952 dans une famille de onze enfants. C’est ce qui le rend si familier avec l’univers de l’enfance qu’il chérit par-dessus tout. Et les enfants de Béjaia lui tiennent particulièrement à cœur, en lui donnant l’impression de rendre un peu à la ville ce qu’elle lui avait si généreusement offert durant toute son enfance, et même au-delà.
En revenant à Béjaia, il retrouve l’univers de son enfance, et revit la sienne en étant entouré de toute cette joyeuse marmaille qui vient l’écouter raconter ses histoires.
Elsa, Malik et Boubeker sont des algériens d’ici et de là-bas. Ils n’oublient pas leurs racines et leurs origines, et ne veulent surtout pas s’en séparer. C’est là que se trouve la source de leur inspiration et c’est avec les gens du bled qu’ils souhaitent maintenant développer leur art et leur talent. C’est aussi le moment pour de nombreux autres artistes, poètes, chanteurs ingénieurs, médecins et autres de revenir donner un coup de main au pays, par un transfert de savoir, de savoir-faire et de technologie. Tout le monde en profiterait, et eux-mêmes en retireraient une joie intense, au contact avec ceux qui ont le même sang qui coule dans leurs veines.
Nabil Z.
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