Il est fréquent de rencontrer dans la littérature occidentale, la question de la définition de Dieu. Les théologiens et les philosophes se sont longtemps penché sur la question de l’existence de Dieu, et le cas échéant, de la définition de la personne divine.
On a coutume, en Afrique du nord, que l’on soit berbérophone ou arabophone, d’appeler Dieu, Rebbi. Cependant, les musulmans moyen-orientaux le nomment Allah. Les égyptiens ont coutume d’utiliser l’expression Rebbouna, ou Rebbéna.
Mais d’où vient ce nom ? Quel est le véritable nom de Dieu ? Et quelles sont les variantes attachées à ce nom ?
Quand on consulte les sources des religions dites monothéistes, on se rend compte que trois noms se dégagent en majorité : Elohim pour les hébreux, Théos pour les grecs et Allah pour les musulmans.
Pourtant, quand on consulte les Ecritures judéo-chrétiennes, on se rend compte que plusieurs noms et attributs sont donnés à Dieu.
Dieu est d’abord Elohim : Au commencement, Elohim créa les cieux et la Terre. C’est la première fois que le nom de la divinité apparaît dans la Bible, et pour cause : C’est son premier verset. Elohim est un pluriel, sur lequel plusieurs tentatives d’explications ont été faites. Certains chrétiens y voient la preuve de l’existence de la Trinité, ce que les juifs et d’autres chrétiens récusent. Mais il paraitrait qu’il ait trait à la Seigneurie de Dieu qu’on ne pouvait, de toutes les façons que vouvoyer. En quelque sorte, il se « nounoie » lui-même. D’ailleurs, un peu plus loin, dans le même texte de la Genèse, il dit : Faisons l’Homme à notre image. Toujours au pluriel.
Les autres noms et attributs divins vont apparaître au fur et à mesure de la Révélation. C’est ainsi, que le tétragramme, ce nom composé de quatre lettres YHWH apparait, et que Dieu lui-même s’est donné. En effet, lorsque Moïse, seul dans le désert, entrain de paître son troupeau vit un buisson en train de brûler sans se consumer, une voix retentit de son milieu. Elle donnait au berger la mission de retourner en Egypte pour y délivrer le peuple hébreu de l’esclavage et de le conduire vers la terre que Dieu avait promise de donner aux descendants d’Abraham. Je suis Dieu, lui dit-il. J’ai entendu les cris de mon peuple en Egypte. Vas et délivres le. Mais, Moïse, connaissant bien l’Egypte pour y avoir vécu pendant une quarantaine d’années, pensa tout de suite au problème qu’il allait rencontrer. En effet, il existait en Egypte, plusieurs divinités. Chacune connue par son nom. S’il allait dire aux hébreux qu’il venait de la part de Dieu, on ne manquerait pas de lui demander le nom de cette divinité qui l’aurait envoyé. C’est pourquoi il s’empressa de demander au Dieu qui venait de lui parler du milieu du buisson quel était son nom. Alors, la réponse est venue de façon surprenante : Mon nom est YHWH. Je suis celui qui suis.
Tout dans ce nom pose problème. Pourtant, Moïse semble l’avoir accepté sans rouspéter. C’était donc clair pour lui, mais pas nécessairement pour nous, aujourd’hui.
Plus tard, lorsque Dieu donna les dix commandements, il insista pour que son nom ne soit pas prononcé en vain. C’est un nom saint, sacré, il n’était pas question de l’utiliser à tort et à travers. Il faut le respecter et l’honorer. Si bien que les juifs, allant plus loin que ce que Dieu leur demandait, avaient totalement interdit de le prononcer. C’est à cause de cela que la prononciation de ce nom s’est perdue dans l’Histoire. On sait comment il s’écrit, parce qu’il figure plus de 6.700 fois dans la Bible, mais personne ne connaît avec exactitude sa prononciation. Des tentatives ont bien eu lieu, et un consensus semble se dégager.
En l’appelant Jéhovah, il y a eu l’erreur de mettre de côté le substantif YAH que l’on retrouve par exemple dans Allélouyah, louez Dieu. D’autres, essayant de rectifier l’erreur, ont proposé de prononcer ce nom en YEHOVAH, alors que d’autres encore, en majorité ont proposé YaHWéH. Ce qui donne en français Yahvé. C’est cette dernière prononciation qui semble faire consensus à l’heure actuelle.
Si YHWH est le nom de Dieu, il n’en demeure pas moins qu’il a plusieurs attributs considérés également comme noms de Dieu.
En dehors d’Elohim, les hébreux l’appellent aussi Adonaï. Et c’est ici le sujet de cet article.
Dans les évangiles, Jésus était appelé Rabi en hébreu ou Rabouni en araméen. Parfois, aussi, nous rencontrons l’expression « Maître ». Longtemps les théologiens chrétiens ont discuté le véritable sens de cette appellation. Faisait-elle appel à la dimension surnaturelle de Jésus, ou simplement à sa qualité de rabin juif, tel qu’il y en avait des centaines à son époque ?
En Afrique du Nord, il y avait également plusieurs divinités, telles que Tanit, Saturne, Baal Hamond, etc… Ce sont les hébreux, installés en nombre croissant dès le huitième siècle avant notre ère dans la région, qui ont apporté avec eux les noms divins de Dieu. Ont dit d’ailleurs, que la Kahina, reine berbère ayant combattu les armées musulmanes venant envahir la Berbérie, adorait un dieu dont le nom était Yahvé. On ignore depuis quand l’expression Rebbi s’est imposée dans ces contrées, mais avec l’arrivée de l’Islam, le nom d’Allah ne semble pas avoir réussi à s’imposer. Il n’est d’ailleurs utilisé que par les lettrés, peu nombreux, ou dans les expressions populaires de type, Inchallah, ou dans les serments comme Wallah.
Même si les documents historiques sur les chrétiens africains, tels les écrits de Tertullien, Cyprien et Augustin, ayant été rédigés en Latin essentiellement, ne semblent pas comporter une référence précise sur les noms donnés à Dieu en langues berbères et puniques, il ne serait pas faux d’avancer le nom de « Illou », ou « Yellou ». Ce nom semble venir droit de l’hébreu/ araméen. C’est exactement le nom que Jésus a invoqué lors de sa crucifixion, avec son célèbre : Eloï, Eloï, lama sabachthani ? Accomplissant ainsi, ce que le roi David avait prophétisé en hébreu, dans le Psaume 22, mille ans auparavant.
C’est probablement à cause de l’irruption du nom d’Allah que la résistance psychologique s’est organisée. Certainement, de manière spontanée. Allah, ne réussissant pas à s’imposer, Rebbi, plus neutre, a pris la place de Illou. D’ailleurs, Allah, considéré comme un dieu lune, ne représentait pas une vraie alternative aux divinités berbères païennes. En effet, dès le premier siècle, l’emblème du royaume de Maurétanie de Juba II utilisait comme emblème le croissant de lune, entourant une étoile à six branches. Rabbi est donc devenu la règle, aussi bien chez les berbères islamisés que chez les arabes venus s’installer en territoire berbère.
Arrêtons-nous un moment à la signification de ces noms.
Nous avons déjà vu plus haut, le sens du nom YHWH. Eloï, utilisé par Jésus, est le singulier d’Elohim, qui veut dire Dieu. Précisément, Mon Dieu. Dieu, en tant que terme générique se dit Elah, que nous retrouvons aussi en arabe sous la forme de Ilah, comme dans la déclaration de foi musulmane, La Ilah illa Allah, il n’y a pas d’autre dieu que Allah.
Le passage de Illou, nom hérité des judéo-chrétiens à celui de Allah, rencontrera des résistances, à la foi théologiques et psychologiques. C’est le générique Rebbi, Seigneur qui prendra sa place. C’est cet attribut, devenu nom qui s’imposera au fil des siècles et qui désigne actuellement, de façon quasi unanime, le nom de la divinité suprême, Dieu, dans le langage courant.
L’attribution de ce nom à Dieu ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes.
Ainsi, au nom Rebbi, va être accolé un certain nombre de qualificatifs, qui vont en faire évoluer définitivement le sens :
Vava Rebbi, Père Seigneur, ou Seigneur Mon Père.
Sidhi Rebbi : Seigneur mon Seigneur
Rebbi el Alamin : Le Seigneur des Mondes.
Il est intéressant de constater que pour les berbères, Dieu qu’ils appellent Rebbi, est aussi considéré comme un père. Notion étrangère à l’Islam. Elle est restée depuis l’époque de l’Afrique chrétienne, qui ne s’était éteinte que vers le douzième siècle.
Or, le mot Rebbi, à l’origine, n’avait rien à voir avec Dieu. Il désignait seulement le Chef. Un Chef quelconque. Le substantif, Rebb, veut également désigner un propriétaire. En évoluant, il a pris le sens religieux qu’on lui connait aujourd’hui.
Il est donc intéressant de constater que les berbérophones reviennent à l’utilisation du mot Illou, pour distinguer entre le chef seigneur et le Seigneur Dieu tout puissant. Espérons que d’autres réflexions viendront enrichir le débat sur la question.
Car, ladite question est d’une importance extrême. La Bible, en effet, dit : Quiconque invoque le nom du Seigneur sera sauvé. Comment dès lors, invoquerait-on le nom qu’on ne connait pas ?
Nabil Z.
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