l est surprenant de voir comment les anglo-saxons considéraient les berbères, alors que le reste du monde les ignoraient, y compris les français qui les avaient sous domination. Voici ce qu’en disait l’Encyclopedia Britannica en 1911.
L'Encyclopædia Britannica est une encyclopédie généraliste publiée en anglais à Chicago, aux Etats-Unis. Ses articles sont destinés à un public adulte et instruit. Ils sont rédigés par une centaine de rédacteurs à plein temps et des milliers de contributeurs et d’experts. Elle est considérée comme la plus universitaire du monde anglophone
Dans cette présentation du début du siècle dernier, alors que pratiquement personne n’entendait parler des berbères, la Britannica a consacré un intéressant article aux amazighs, dont nous vous proposons des extraits.
Le Berbère est « Le nom sous lequel sont regroupées les différentes branches de la race indigène " libyenne " d'Afrique du Nord. Depuis l'aube de l'histoire, les Berbères occupent le tracé entre la Méditerranée et le Sahara, de l'Égypte à l'Atlantique. L'origine du nom est incertaine. Certains pensent qu'il dérive du mot barbares, employé d'abord par les Grecs et ensuite par les Romains. D'autres attribuent la première utilisation du terme aux conquérants arabes…. Les Egyptiens les appelaient " Lebu ", " Mashuasha ", " Tamahu ", " Tehennu " et " Kahaka " ; une longue liste de noms se trouve chez Hérodote, et les Romains les appelaient Numidae, Gaetuli et Mauri, termes qui ont été dérivés respectivement du grec voµaSes (nomades), le nom Gued'oula, une grande tribu berbère et le mahour hébreu (ouest) ». Voilà qui nous situe sur le plan historique.
L’article poursuit : « Pour parler des temps plus modernes, on peut citer les Zouaoua et Jebalia (Tripoli et Tunisie) ; les Chawia, Kabyles et Beni-Mzab (Algérie) ; les Shluh (Chlouah), Amazigh et Berbères (Maroc) ; les Touareg, Amoshagh, Sorgu, etc. (Sahara). Ces tribus ont de nombreuses sous-tribus, chacune avec un nom distinctif ». Ce rappel est tout à fait vrai, mais incomplet. Ce qui va suivre est plus surprenant, car à notre connaissance, rares sont les personnes qui en ont fait état. « Chez les Azgar, une importante division des Touareg, l'une des tribus nobles ou libres, appelée Aouraghen, descendrait d'une tribu nommée Avrigha. Les Avrigha, ou Afrigha, dans l'Antiquité occupaient les terres côtières près de Carthage, et certains chercheurs tirent le mot Afrique de leur nom ». Voilà une nouvelle confirmation du fait que les premiers blonds aux yeux bleus (awraghen) sont bien les berbères, dont justement, Saint Augustin porte le nom, puisque son véritable nom était Awragh, mal transcrit en latin pour devenir Aureg puis Aurelius. Il est également intéressant de noter que les Awraghen font partie de la tribu Azgar, c’est à dire rouge. Autrement dit, Rouquin. Ce qui était précisément la couleur de peau du pharaon amazigh Chachnaq, dont nous avions parlé dans ces mêmes colonnes. « En ce qui concerne les relations ethniques des Berbères, il y a eu beaucoup de différends. L'antiquité de leur type est attestée par les monuments d'Égypte, où leurs ancêtres sont représentés avec les mêmes traits relativement blonds que nombre d'entre eux présentent encore. Les aborigènes des îles Canaries, les Guanches, semblent presque certainement, d'après les restes de leur langue, avoir été des Berbères ».
Concernant les origines des berbères, l’Encyclopédie avoue ne pas encore pouvoir en être certaine. Pour elle, « le problème de l'origine réelle de la race berbère n'est pas encore résolu. La théorie la plus satisfaisante est peut-être celle de Sergi, qui inclut les Berbères dans la " course méditerranéenne ".
« Malgré une histoire de conquête étrangère - phénicienne, grecque, romaine, vandale, arabe et française - le type physique berbère et le tempérament et la nationalité berbère persistent depuis l'âge de pierre ». ... Puis, l’Encyclopédie s’engage dans une comparaison entre « arabes » et « berbères ». Elle déclare : « L'Arabe est un berger et un nomade ; le Berbère est un agriculteur et un citadin. L'Arabe a construit sa structure sociale sur le Coran, qui inculque l'absolutisme, l'aristocratie, la théocratie ; le Berbère, malgré son Mahométanisme nominal, est un démocrate, avec son Jemaa ou " Witangemot " et son Kanun ou code non écrit, la Magna Carta de la liberté individuelle et non du bien commun. Le Kanun n'interdit aucune forme d'exercice de la volonté individuelle, tant qu'il n'est pas contraire au droit ou aux droits des autres individus. L'arabisation des Berbères se limite en effet à peu de choses au-delà de la conversion de ces derniers à l'Islam ... Actuellement, il représente au moins les trois cinquièmes de la population algérienne et, au Maroc, cette proportion est plus élevée. ...le Dr Randall-Maclver affirme : - Le Berbère donne l'impression d'être, tel qu'il est, le descendant d'hommes qui ont vécu dans une solide indépendance, une autonomie et une autogestion ». Et plus loin « ... Le Berbère, est franc, honnête, n'est nullement opposé à l'argent, mais pas sans scrupules dans les méthodes qu'il emploie à cette fin, intelligent ... et digne de confiance." Cette description comme on le voit est fort élogieuse.
Le système politique chez les berbères :
Quant au système politique, il est décrit de la façon suivante : « Le village berbère est son Etat, et le gouvernement est investi d'une assemblée, la Jemaa, formée de tous les mâles assez âgés pour observer le jeûne du Ramadan. Par eux sont découragés minés toutes les questions de paix ou de guerre, la législation fiscale et la justice. L'officier exécutif est l'Amin, une sorte de maire, élu dans une famille influente dont la dignité est souvent héréditaire dans la pratique. Il doit sa position à la bonne volonté de ses semblables, ne reçoit aucune rémunération et démissionne dès qu'il perd la confiance du peuple. Par lui sont nommés certains Temman (chant. Tamen) qui agissent comme surveillants, mais sans pouvoir exécutif, dans les différents quartiers du village. Le berbère le plus pauvre a autant voix au chapitre que le plus riche. Le pouvoir indu du Jemaa est contrôlé par la vendetta et une sorte de loi de lynchage, et par laformation de partis (sofs), au sein ou en dehors de l'assemblée, à des fins commerciales, politiques et autres. Les Berbères sont un peuple guerrier qui n'a jamais été complètement subjugué. Dès qu'il atteint l'âge de seize ans, chaque garçon est amené dans le Jemaa et reçoit des armes qu'il porte jusqu'à ses soixante ans. Bien que chaque village soit absolument indépendant en ce qui concerne ses affaires intérieures, deux d’entre eux ou plus sont souvent liés par des liens administratifs pour former un Arsh ou une tribu. Un certain nombre de ces tribus forment une Thakebilt ou confédération, qui est une organisation extrêmement souple. Une exception à cette forme de gouvernement est constituée par les Touaregs, dont l'organisation, en raison de leurs circonstances de vie particulières, est monarchique. Les guerres sont déclarées par des messagers spéciaux ; l'échange de bâtons ou de fusils rend un armistice inviolable. Dans certaines tribus, une tablette sur laquelle est inscrit le nom de tout homme apte à porter les armes, est placé dans la mosquée ».
Pratiques religieuses :
« Les Berbères, bien que mahométans, n'observent pas souvent les ablutions prescrites ; ils rompent leur jeûne au Ramadan ; et mangent la chair du sanglier sauvage et boivent l'eau-de-vie de figue. ... Presque tous les villages ont aussi leur saint ou prophète...Dans la Jemaa aussi, le Marabout prend parfois la place d'honneur et maintient l'ordre. Les Berbères, bien qu'irreligieux, sont très superstitieux.... De nombreux Berbères conservent encore certains usages chrétiens et juifs, vestiges de l'époque pré-islamique en Afrique du Nord, mais de leur religion primitive, il n'y a aucune trace ».
Vie économique :
Les Berbères ont de nombreuses industries. Ils exploitent et travaillent le fer, le plomb et le cuivre. Ils possèdent des pressoirs à olives et des minoteries, ainsi que leurs propres carrières de meules, allant même jusqu'à fabriquer de la chaux, des tuiles, des boiseries pour les maisons, des ustensiles domestiques et des outils agricoles. Ils tissent et teignent plusieurs sortes de tissus, tannent et habillent le cuir et fabriquent de l'huile et du savon. Sans l'aide de la roue, les femmes produisent une variété d'ustensiles de poterie, souvent de conception très gracieuse, et décorés de motifs en rouge et noir. Des tribus entières, comme les Beni-Sliman, sont occupées dans le commerce du fer ; les Beni-Abbas fabriquaient des armes à feu avant la conquête française, et même des canons auraient été fabriqués. Avant d'être proscrite par les Français, la fabrication de la poudre à canon était générale. Les joailliers autochtones font d'excellents ornements en argent, corail et émail. Dans certains endroits, la sculpture sur bois a été perfectionnée et les artistes autochtones savent graver sur métal à la fois par gravure et par burin. Les Berbères sont aussi des commerçants passionnés et, après la récolte, ils vendent de petites marchandises sur de grandes distances ».
Le statut de la femme :
« Une femme berbère a à bien des égards une meilleure position que sa sœur arabe. ... Elle a la plupart du travail difficile à faire et n'est guère meilleure qu'une servante. ... Mais elle a voix au chapitre dans les affaires publiques ; elle a des lois pour la protéger, gère le ménage et se dévoile ; elle a droit à l'argent qu'elle gagne ; elle peut hériter par testament et léguer des biens, mais pour éviter l'aliénation des biens immobiliers, on lui refuse la succession. Mais la caractéristique la plus remarquable de sa position sociale est le droit de la femme berbère de conclure un lien ou un accord sacré, représenté par le don de l'anaya. ...Les saintes sont elles aussi tenues en grand honneur, et le Berbère fait à sa femme le compliment de la monogamie. Les femmes kabyles se sont tenues aux côtés de leurs maris au combat. ... Les Berbères consultent leurs femmes dans de nombreux domaines, ..., même si ses services ne sont employés que dans la tâche respectable d'arranger les mariages. Les femmes berbères sont intelligentes et travailleuses, et, quand elles sont jeunes, très jolies et gracieuses. ... Chez les Kabyles, l'adultère est mis à mort, de même que les femmes qui ont des enfants illégitimes, ces derniers souffrant avec leur mère ».
La Langue Berbère :
« La langue berbère, est encore parlée par des millions de personnes d'Égypte vers l'Atlantique et de la Méditerranée vers le Soudan. Il n'est parlé nulle part ailleurs, mais, comme on l'a dit, les toponymes des îles Canaries et d'autres vestiges de la langue autochtone prouvent qu'il s'agissait de la langue maternelle. Bien que la langue berbère présente une certaine affinité avec le sémitique dans la construction de ses mots et phrases, le berbère se distingue nettement des langues sémitiques ; et un fait remarquable est que malgré l'énorme espace sur lequel les dialectes sont répartis et les milliers d'années pendant lesquelles certains des peuples berbères ont été isolés du reste, ces dialectes ne présentent de légères différences avec la langue hamite, longtemps disparue, dont tous sont issus. Quel que soit le nom de ces dialectes, le kabyle, le shilha, le zenati, le touareg ou le tamashek, la langue berbère est encore essentiellement une, et la similitude entre les formes actuelles au Maroc, en Algérie, au Sahara et dans l'oasis lointaine du Siwa est beaucoup plus marquée que celle entre le norrois et l'anglais du groupe sous-aryen teutonique. Les Berbères ont, en outre, une écriture propre, particulière et peu utilisée ou connue, dont l'ancienneté est prouvée par des monuments et des inscriptions s'étendant sur toute l'Afrique du Nord.... Une collection des différents signes de l'alphabet a montré trente-deux lettres, quatre de plus que l'arabe ».
Et pour finir cet article, ses rédacteurs donnent un exemple parlant : « La langue berbère est la plus répandue au Maroc et au Sahara occidental .... Le berbère est la vraie langue du Maroc, l'arabe celle de ses croyances et de son gouvernement.
Nabil Z.
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