Saint-Augustin, un génie Berbère
- Nabil Z.
- il y a 3 jours
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Il est le plus grand philosophe et théologien de l’Histoire. Il surpasse tout ce qu’on peut lire de Platon, Cicéron ou autres philosophes. Il est considéré par nombre de penseurs théologiens et historiens, comme étant le Maitre de l’Occident. Il n’est pas aisé de présenter ce géant en quelques lignes ou en quelques pages. Nous ne pourrons l’aborder que très succinctement, sa vie ayant été si riche et ses productions si nombreuses.

Auregh Aurélius ( Awragh, le Blod en Berbère) est né en 354 à Thaghaste (Souk Ahras, aujourd’hui, en Algérie), de parents Berbères. Son père, Patricius était citoyen romain, employé municipal. Sa mère Monique (Mona en Berbère), va devenir célèbre de par le fait qu’elle ait prié sans cesse et conduit son fils à la conversion. Auregh Aurélius est connu sous le nom de Saint Augustin. C’est l’exemple suprême de ce que peut être le génie berbère. Gabriel Camps le décrit comme « Latino Berbère et Romano Africain »1.
Après une enfance passée entre sa ville natale, puis Madaure, il est parti faire ses études à Carthage, puis il s’est installé à Rome avant d’aller vivre à Milan. Ayant exercé le métier de Rhéteur, tout comme Tertullien et Cyprien, il continua ses recherches en philosophie, se posant des questions existentielles. Il a fréquenté divers groupes religieux ou philosophiques, comme les manichéens dont il fut déçu, a étudié le néo-platonisme, et a rencontré l’Évêque de Milan, Ambroise. Ses yeux ont commencé alors à s’ouvrir à la réalité spirituelle. Il a découvert dans l’Évangile deux choses que la philosophie ne pouvait lui offrir : la personne de Jésus-Christ et la grâce de Dieu qui donne la victoire sur toutes choses.
En 386, alors qu’il se trouvait dans son jardin à Milan, il a entendu des enfants jouer, pendant que l’un d’eux entonnait un « Tolé Légué », prends et lis. Cela ne faisait pas si longtemps que ça, qu’il avait découvert les Épitres de Paul, dans le Nouveau Testament, dans sa version latine traduite à Carthage sous la supervision de Saint-Cyprien, la Vetus Afer.. Il a décidé d’y jeter un oeil. Il tomba sur un texte de l’Épitre que Paul a adressée aux romains : « Marchons honnêtement, comme en plein jour, loin des excès et de l'ivrognerie, de la luxure et de l'impudicité, des querelles et des jalousies.Mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ… »2. Ce fut pour lui une révélation qui l’emmena à faire une expérience spirituelle qui le convainquit de la véracité des Écritures de la Bible. Il se convertit à Jésus-Christ, à qui il consacrera sa vie et se fit baptiser.
Il quitta l’Italie en 388 et rentra dans son village natal, ou il avait l’intention, avec quelques amis, de mener une vie monastique. Il voulait se tenir à l’écart du monde et passer ses jours et ses nuits dans la méditation.
Un jour, alors qu’il se trouvait dans l’église d’Hippone (Annaba), il fut acclamé par la foule et plébiscité, devenant malgré lui, prêtre puis évêque de la ville. En 393, il participa à un Concile des Évêques numides, ou il fut invité à prendre la parole.
Augustin était entouré de plusieurs collaborateurs qui devinrent ses disciples. Par la suite, ils deviendront presque tous, des Évêques à leur tour, ou des fondateurs de monastères, contribuant ainsi à enrichir la vie chrétienne en Afrique du Nord, et même au-delà. Il était occupé sans relâche. Il était à la fois enseignant, conseiller, juge, administrateur, Pasteur, … Il était au four et au moulin. Il lui arrivait de prêcher même, deux fois par jour. Sa renommée gagna les contrées lointaines, et il y avait foule à chacun de ses sermons. Mais il aimait méditer et écrire. Il se faisait un devoir de convaincre les indécis, d’éclairer les chercheurs de Vérité et d’orienter les égarés. Il combattait sans relâche les hérétiques et les schismatiques qui oeuvraient à créer la zizanie au milieu des fidèles. Les évêques de Rome le consultaient en permanence pour les éclairer sur des points théologiques compliqués.
Ainsi, il combattit les manichéens, les astrologues, et les tenants de la philosophie fataliste. Il mena une rude lutte contre les donatistes, dont le fondateur s’était emparé de l’Évêché de Carthage et était monté à Rome afin de prendre le pouvoir et de devenir l’évêque le plus important de l’Empire. Donat avait réussi, quelques années auparavant à réunir en Afrique, un concile ou étaient présents près de trois cents Évêques de sa dénomination. Le Pape fut outré et déclara que cette action était considérée comme un schisme. D’un autre côté, éclata la révolte des circoncellions qui avaient trouvé dans les Donatistes, le soutien spirituel dont ils avaient besoin. C’étaient de pauvres travailleurs Berbères qui réclamaient simplement qu’on les considéra avec dignité.
En prenant ses fonctions à Hippone, Augustin réussit à convaincre les autorités ecclésiastiques romaines d’adoucir leur attitude envers les donatistes qui furent considérés comme schismatiques et à intégrer leurs enfants dans les églises sous leur obédience, afin d’y recevoir une éducation adéquate. Mais il y eut de la résistance de part et d’autre, obligeant une nouvelle fois Augustin, sur ordre de l’empereur, d’organiser une conférence à Carthage, en 41. Il y avait réuni, plus de 500 évêques des deux parties. Il a présidé et dominé les débats. Ses arguments étaient convaincants et ses positions ont fini par triompher, car basées sur la connaissance des textes bibliques.
Saint Augustin a également combattu un autre hérétique, qui a longtemps troublé les fidèles. Un breton du nom de Pélage. Sa doctrine consistait à mettre en avant le libre arbitre de l’Homme dans le salut, s’opposant ainsi à Augustin qui la considérait comme une sorte de stoïcisme, qui réduisait la grâce à une forme de force naturelle chez l’Homme, et la foi chrétienne en une simple morale. Augustin, lui affirmait la grâce de Dieu, même dans le Libre Arbitre. Les polémiques furent très vives, allant même jusqu’à faire intervenir plusieurs papes successifs, qui finirent par se ranger du côté de l’Évêque Berbère.
En plus de ses innombrables sermons, Augustin aimait écrire. Malgré le nombre impressionnant de traités qu’il nous a laissés, il prenait tout son temps pour les rédiger. La précipitation ne semble pas être sa marque de fabrique. Le célèbre livre intitulé « La Cité de Dieu », par exemple, a demandé à Augustin une quinzaine d’années pour sa rédaction. Sa réflexion, ses recherches, son style d’écriture étaient très soignés. Il portait un grand intérêt à ce que son message soit bien reçu et compris.
Il nous a laissé plusieurs dizaines de livres, dont les plus connus sont «Les Confessions » et « La Cité de Dieu ». Il traita de tous les sujets possibles et imaginables. La Foi, l’Amour, la Grâce, le Libre Arbitre, La Raison, la Volonté, Le Péché, …
En tout, nous comptons aujourd’hui, quelques cent treize traités, deux-cent-dix-huit lettres, près de cinq cents sermons et petits traités. Ses écrits refermaient aussi des commentaires de la Bible. Des milliers de versets ont été commentés par lui, tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau.
Son oeuvre a constitué une pensée unique en son genre. C’est d’ailleurs, le seul Père de l’Église dont les écrits ont constitué un système de pensée : l’Augustinisme.
Il influença de nombreux auteurs, notamment, ceux de la réforme, à l’exemple de Martin Luther l’allemand, fondateur du Protestantisme, le franco-suisse Jean Calvin, le Père de la Réformation, Nicholas Malebranche, Blaise Pascal, Wilhem Leibniz, René Descartes, le russe Léon Tolstoï, l’anglais John Newman, le prix Nobel Albert Camus, etc…
Il est consulté de partout. Des lettres lui venaient de tout l’empire romain, qui occupait à l’époque encore, tout le bassin méditerranéen. Plusieurs évêques s’adressaient à lui, pour le consulter sur tel ou tel point de doctrine, ou sur les affaires qui les concernait. Aujourd’hui encore, l’Institut des Études Augustiniennes de Paris, recense une moyenne de quatre à cinq cents publications par an concernant Saint-Augustin : articles, conférences, reportages, livres… C’est le seul philosophe et théologien à avoir atteint ce niveau d’intérêt de la part des chercheurs de tous pays.
Gabriel Camps disait de lui : « Le plus grand de tous fût Augustin, qui devint l'un des maîtres de la pensée occidentale pour de nombreux siècles. Saint Augustin atteint une stature universelle qui transcende et sa province et l'Empire et son temps. Il n'est pas indifférent que le plus grand penseur de l'Occident latin, l'auteur de « la Cité de Dieu » et des « Confessions », fût un Berbère chrétien »3.
L’empire romain était menacé de toutes parts, par ceux qu’on appelait alors, les Barbares : des peuplades venues du nord de l’Europe, voulant s’emparer de Rome. Les Vandales vont même réussir à franchir le détroit de Gibraltar pour s’emparer de l’Afrique du Nord. Au moment où ils arrivent aux abords de la ville d’Hippone, Saint-Augustin s’était éteint. C’était le 28 Août 430.
C’est certainement le personnage qui regroupe le mieux tout ce qui peut être un Berbère selon la Bible. Saint Augustin reste encore aujourd’hui, le plus grand théologien et le plus grand philosophe de l’Histoire. Ses œuvres sont encore abondamment lues, partout dans le monde, et la quasi-totalité des écrivains, philosophes et penseurs qui sont venus après lui, se sont inspiré de ses écrits.
Aujourd’hui encore, il existe des communautés augustiniennes partout dans le monde. Sa pensée est enseignée dans les plus grandes écoles de théologie et de philosophie. Augustin le Berbère continue à en inspirer plus d’un.
Augustin était Père et Docteur de l’Église. Il était à la fois Docteur, Enseignant, exégète, évangéliste, apologiste, … tellement de fonctions, dépassant de loin son titre d’Évêque. Il représente l’intelligence du Berbère, symbolisée par le casque, la foi symbolisée par le bouclier, la flèche qu’il envoyait au loin à l’adresse des hérétiques et des schismatiques, l’arc qui envoyait ses flèches au-delà des frontières temporelles et spatiales. Personne, en dehors de Saint Augustin n’a réussi à regrouper toutes ces fonctions. Il était à la fois Pouth, engendrant des millions de croyants, Simon se chargeant de la croix de Jésus, Alexandre défendant la foi qu’il confessait, Rufus donnant de la couleur à la vie morne de ses lecteurs, Lucius, éclairant ceux qui tâtonnent dans l’obscurité, et Marc, l’écrivain, le rédacteur de l’Évangile. Saint Augustin est une synthèse de la vie chrétienne post biblique. Son existence confirme tout ce que nous avons dit plus haut sur les chrétiens tels que racontés et décrits dans la Bible
Nabil Z.
1 Les Berbères : mémoire et identité. Errance, 1987 ; Actes Sud, 2007.
2 Romains 13 :13-14
3 Les Berbères : mémoire et identité, Gabriel Camps , éd. Errance, 1987,p. 124
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