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  • Photo du rédacteurNabil Z.

Selim d’Alger, esclave aux Etats-Unis

Dernière mise à jour : 1 juil. 2021

L’histoire de Selim est étonnante à plus d’un titre. Voici l’histoire d’un lettré « algérien » capturé par des pirates et vendu comme esclave aux Etats-Unis au 18ème siècle.




Selim est né en 1740 en Algérie, probablement à Alger. D’une famille aisée, il a brillamment réussi sa scolarité, et son père accepta de l’envoyer à Istanbul, capitale de l’Empire ottoman, dont l’Algérie était sous domination, pour y poursuivre ses études. Une fois son cursus terminé, il décida de rentrer à la maison.


Malheureusement, sur le chemin du retour, le bateau qu’il avait emprunté a été attaqué par des pirates. Il fut alors vendu à des marchands d’esclaves portugais qui l’emmenèrent en Nouvelle Orléans dans le sud des Etats-Unis où il fut à nouveau vendu. Ses nouveaux propriétaires l’emmenèrent sur le fleuve Mississipi, puis celui de l’Ohio, avant d’être capturé par des amérindiens, les Shawnee. Après quelques semaines d’esclavage, Selim réussit à s’enfuir, et traversa les Appalaches jusqu'au comté d'Augusta en Virginie.


Durant sa fuite, Selim s’est nourri de plantes et a dormi le plus souvent à la belle étoile, dans le froid et le dénuement. Parfois même, il s’était fait attaquer par des animaux. Le plus souvent, il voyageait la nuit pour ne pas se faire repérer et capturer. C’est pourquoi, ce jour-là, à Vance Springs, il se réfugia au sommet d’un arbre, quand il a entendu des hommes approcher. Il s’agissait de chasseurs accompagnés de leurs chiens. Et ces derniers l’ont repéré et débusqué. Un des chasseurs l’avait mis en joug, prêt à lui tirer dessus, tellement l’homme était méconnaissable. Il était nu, avait considérablement maigri, et son corps était couvert de blessures.


Un des chasseurs, planteur de son état, a été ému de voir Selim dans cet état et a décidé de l’accueillir et de le soigner. Après quelques jours, le fugitif a repris des forces, et son bienfaiteur s’est mis à lui enseigner l’anglais afin qu’ils puissent communiquer.


Selim apprenait vite, et au bout de quelques jours, il commença à s’exprimer tant bien que mal en anglais, et a raconté son histoire au planteur. Il remarqua aussi que son hôte et sa famille lisaient un livre le soir et priaient ensemble. Et Selim remarqua que dans la Bibliothèque, il y avait un Nouveau Testament en langue Grecque. Il demanda la permission de le prendre et se mit à le lire à voix haute. Ce qui surpris toute la famille. Selim était chrétien, et son voyage en Turquie et en Grèce n’avait d’autre objet que d’étudier la Bible.


Cette histoire nous donne une intéressante indication sur l’existence de chrétiens autochtones en Algérie au 18ème siècle. Combien étaient-ils ? On n’en sait rien. Etaient-ils une communauté, ou juste des croyants épars, pratiquaient-ils leur culte en groupe, avaient-ils constitué une église locale ? Tellement de questions qui restent encore sans réponses.


A l’approche d’une fête nationale en Virginie, Selim fut invité aux festivités. Il y vit un homme distingué et s’approcha de lui. « Je vous ai vu dans un rêve », lui déclara-t-il. Et il lui raconta son histoire ». Il s’agissait d’un homme de culte, le presbytérien de Staunton, John Craig.


Emerveillé par son histoire, la communauté locale décida de prendre en charge le rescapé et il reçut un généreux don d’argent avec des lettres d’introduction afin qu’il puisse se déplacer librement et de faire des projets.


Le principal donateur de Selim était le riche planteur de Palace Green, Robert Carter III. Mais il a également attiré l'attention de l'élite instruite de Williamsburg, notamment le Collège de William et Mary Président James Horrocks et professeur William Small.


Malheureusement, l’histoire ne nous dit pas ce qu’est devenu Selim après cet épisode de sa vie. On pense qu’il est mort à l’âge de 54 ou 55 ans et il serait enterré au Williamsburg Insane Asylum.


Cette histoire a été rapportée par le Daily Press du 29 avril 2013 aux Etats-Unis.

"C'est une histoire fantastique - si c'est vrai", déclare l'historienne du Moyen-Orient Judith Tucker de l'Université de Georgetown.


Deux des sources les plus citées de l'histoire de Selim proviennent d'un récit détaillé de seconde main publié par l'évêque épiscopal de Virginie William Meade en 1857 et d'une réminiscence des années 1800 écrite par un membre de la famille Page, propriétaire de Rosewell Plantation dans le comté de Gloucester.


À l'exception de quelques incohérences mineures, ces descriptions se soutiennent largement, note l'historien de Colonial Williamsburg Robert Doares, qui a écrit sur Selim pour le journal de la fondation en 2002.


"J'ai trouvé 12 références à Selim", dit Tucker, qui a commencé à se pencher sur l'histoire en 2008 après une enquête d'un ami travaillant sur un projet pour la télévision publique de Detroit et le Dearborn, Michigan, Musée national arabo-américain.


"Ce que vous trouvez, c'est qu'ils semblent tous se construire les uns sur les autres. À certains égards, c'est devenu une légende qui se perpétue.


Le point commun à tous est l'émergence de Selim des bois de Virginie en tant que réfugié nu, blessé et presque affamé qui a été retrouvé et soigné par un chasseur de frontière.

« Déménagé dans la maison d'un planteur sympathique du comté d'Augusta, il a appris l'anglais tout en reprenant ses forces, apprenant si rapidement qu'il a bientôt régalé à la fois son bienfaiteur et ses voisins de l'étonnante histoire de son odyssée indésirable du Moyen-Orient » écrit le Daily Press.


Parmi les autres que Selim a probablement croisés se trouve l'étudiant de Small, Thomas Jefferson, dont l'intérêt pour le monde musulman l'a conduit à commander une traduction du Coran à l'imprimerie de la ville en 1765.


"La capacité de Selim à lire le grec était un gros problème - et Carter le mentionne en fait dans sa lettre d'introduction au secrétaire aux colonies pour expliquer pourquoi les habitants de Virginie ont manifesté un tel intérêt", explique Tucker.


« Cela faisait de lui un gentleman à leurs yeux. Cela faisait de lui une personne de rang et de valeur. Cela l'a rendu comme eux.


Cet appel était si fort que, malgré l'instabilité mentale intermittente causée par le rejet de sa famille musulmane, Selim a été accueilli à son retour à Williamsburg pendant la Révolution.

Même après avoir été interné dans l'asile d'aliénés de la ville, il est resté un gentleman amical, érudit et bavard - un homme qui est devenu une connaissance privilégiée de personnalités telles que le gouverneur John Page de Gloucester et le gouverneur Thomas Nelson Jr. de Yorktown.


«Selim aurait été une personne de grand intérêt. Il a ouvert une fenêtre sur une culture exotique et lointaine qu'ils n'auraient eu aucun autre moyen de connaître de si près », explique Doares.


"Et cela a certainement aidé qu'il soit non seulement un gentleman - même dans sa folie - mais qu'il ait également été converti et baptisé."


Fondateur de la Williamsburg's Society for the Promotion of Useful Knowledge, Page tenait Selim en si haute estime qu'en 1789, il chargea Charles Willson Peale de peindre à la fois son ami et lui-même lors de leur visite à Philadelphie pour le premier Congrès continental.

La ressemblance de l'Algérien est restée à Rosewell pendant des années avant de déménager dans son ancien repaire de Carter House après le mariage de l'une des filles de Page.


Perdu pendant la guerre civile, le portrait rempli de personnages n'est connu aujourd'hui que grâce à une gravure du début des années 1800 publiée dans le livre de Meade.

C'est le seul lien direct survivant avec Selim en dehors de la lettre de Carter, que Tucker a trouvée au British Public Records Office à Londres dans le cadre d'une chasse par ailleurs infructueuse qui l'a également conduite à Williamsburg et Istanbul.


Nabil Z.


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