Sidna Youchaa est le nom arabe de Josué, le bras droit de Moïse. Après la mort de ce dernier, c’est lui qui a été chargé de faire entrer le peuple hébreu en terre de Canaan. Une fois sa mission accomplie, il a pris sa retraite pour s’installer en Algérie, selon une légende.
Selon le récit biblique, Moïse avait cent vingt ans à sa mort. A quatre-vingt ans, alors qu’il vivait en terre de Madian, l’actuelle Arabie Saoudite, il avait été missionné par Dieu pour aller délivrer les descendants de Jacob-Israël, esclaves en pays d’Egypte. L’histoire est bien connue du grand public, surtout depuis que Cecil B. DeMille l’a porté sur le grand écran avec son fameux « Les Dix Commandements ». En cours de voyage vers la Terre Promise, Moïse a failli et a désobéi à Dieu, provoquant une punition consistant à le priver personnellement de cette Terre. Il chargea alors son bras droit, Josué fils de Nun de prendre le relais et de conduire le peuple en Terre de Canaan. Dans la Sourate 18 et au verset 60, le Coran l’appelle « le valet de Moïse ». La tradition l’a toujours appelé Youchaa Ibn Nun.
Conquête de Canaan
La Mission a parfaitement été accomplie par le nouveau chef qui conduit une armée nombreuse, pour mener la conquête des territoires promis. A l’époque, sept peuplades occupaient cette terre autour de trente et une villes-Etats fortifiées. Elles étaient disséminées dans tout le pays, et chacune était gouvernée par son propre roi : les Cananéens, les Héthiens, les Héviens, les Phéréziens, les Guirgasiens, les Amoréens et les Jébusiens. Josué leur envoie un messager les priant de libérer les lieux dans le calme. « Dieu, Créateur de l’univers, a promis ce pays à nos ancêtres. Nous sommes maintenant ici pour réclamer notre héritage, et nous vous prions de partir calmement ». Mais comme attendu, personne n’avait l’intention de lui céder le territoire. La conquête a été rude et la résistance féroce. Certaines de ces peuplades périrent, d’autres se rendirent et acceptèrent de vivre sous le commandement de Josué, et d’autres encore, à l’exemple des guirgasiens et de certains cananéens, ont préféré prendre la fuite et aller s’installer loin de Josué. Ces derniers, selon l’histoire, sont venus en Afrique du Nord fonder l’actuelle ville de Zarzis en Tunisie. Or, Garguiz en hébreu signifie « ceux qui ont les pieds dans l’argile ». Aujourd’hui encore, Zarzis est la ville par excellence de la poterie en Tunisie. Selon Saint Augustin, « demandez à nos paysans d’où ils viennent, et ils vous répondront qu’ils sont des chennanis. Autrement dit, des cananéens ».
L’Afrique du nord a toujours été une terre de refuge pour les Hommes de tous horizons. Terre d’accueil, Tamazgha a toujours abrité en son sein une multitude de peuples venus chercher quelque protection ou sécurité.
Tout comme Moïse a fait traverser la Mer Rouge au peuple hébreu à sa sortie du pays d’Egypte, Josué lui fera traverser le Jourdin pour entrer dans le pays tant et si ardemment souhaité. La première ville conquise fut Jéricho, l’actuelle ville d’Ariha, même si on n’est pas totalement sûrs de leur correspondance. Après de longues batailles, la mission fut accomplie, et à l’âge de cent-dix ans, nous dit la Bible, Josué convoqua le peuple pour lui faire ses adieux, après avoir réparti les territoires entre les douze tribus descendantes du petit-fils d’Abraham. « Après ces choses, Josué, fils de Nun, serviteur de l'Eternel, mourut, âgé de cent dix ans. On l'ensevelit dans le territoire qu'il avait eu en partage, à Thimnath-Sérach, dans la montagne d'Ephraïm, au nord de la montagne de Gaasch », nous dit la Bible. Voilà donc que le récit prend fin. Josué mort et enterré en terre de Canaan, va céder la place à d’autres chefs, et son nom ne fera plus partie que de l’histoire. Mais ce n’est pas comme ça que les amazighs l’entendaient.
Du pays de Canaan à celui des berbères
Selon certains récits, dont une partie a été rapportée par l’encyclopédie en ligne Wikipedia, Josué ne serait pas resté en Canaan. La légende raconte qu’une fois le travail achevé, le successeur de Moïse est allé prendre sa retraite au pays des Amazighs. C’est comme ça, en tous cas, que certains ont essayé d’expliquer la judaïsation d’un certain nombre de tribus berbères. Selon diverses sources, Josué se serait établi en Afrique du Nord ou, ayant constaté que les berbères avaient des religions païennes, il s’est mis à enseigner le monothéisme et la Torah. Son message aurait été suffisamment convaincant pour obtenir la judaïsation d’un certain nombre de tribus amazighes. Ibn Khaldoun lui-même avance plusieurs exemples de judaïsation de ces tribus. Ces mêmes sources avancent le fait que ces dernières n’ont pas fait de prosélytisme et se sont contentées de professer la foi de Josué. C’est ce qui expliquerait le fait que plus tard, le judaïsme n’était devenu qu’une des religions professées par les berbères, au milieu de plusieurs autres. Par ailleurs, et avec le temps, il y a eu plusieurs vagues d’’émigration de juifs venus s’installer sur les terres prospères de Berbérie. Les Amazighs étaient polythéistes, et respectaient les croyances des autres. D’ailleurs, les officiers romains tenaient particulièrement à rendre hommage aux Dei Maurii, les dieux maures, pour s’attirer leur protection et leur bénédiction. Jamais il n’y eut de guerre de religion en Afrique du Nord durant toute cette période, et jusqu’en haute antiquité. Il y eut par contre plusieurs périodes de persécutions, notamment de la part des romains. Mais jamais entre les berbères eux-mêmes. L’histoire des Donatistes a été le fait de leur persécution par les romains et non une guerre fratricide entre amazighs. Tant que les romains ne s’y mêlaient pas, les berbères ont toujours su gérer leurs différences dans le respect des uns et des autres.
La supposée présence de Josué en Tamazgha va se matérialiser au moment de sa mort. Les références à ce sujet nous renvoient à la région d’Ain Timouchent et de Tlemcen dans l’ouest algérien, puisqu’une ville même portant le nom de Sina Youchaa, se situant à l’est de Ghazaouet et au nord de Nedroma abrite un mausolée qui porte ce nom de Sidna Youchaa. De nombreux pèlerinages ont lieu régulièrement autour de cet édifice qui revêt une grande importance pour la population locale. Il s’agit en fait d’un village balnéaire avec une plage d’environs mille deux cents mètres et qui se prête parfaitement au tourisme.
Dans la tradition musulmane, on avance même le témoignage du prophète Mohamed à propos des berbères. Selon ce que Mohamed Bnou Ahmad Alhamadani a rapporté dans son livre, Anass Ben Malik a dit : « je suis venu voir le prophète en compagnie d'un jeune (Wassif) Berbère. Le prophète me dit alors : Anass, quelle est la race de ce gamin ? Je lui répondu qu'il est Berbère. Le prophète me dit : Anass vends le même pour un Dinar. J'ai demandé pourquoi Prophète ? Il m'a dit c'est une nation à laquelle Dieu a envoyé un prophète, ils l'ont égorgé et cuit, ils ont mangé sa viande et ont donné la sauce à leurs femmes. Depuis Dieu a dit qu'il n'auront plus jamais de prophète ». Si l’authenticité de ce hadith n’est pas confirmée, il n’en demeure pas moins que la légende a toujours affirmé la présence de prophètes en Berbérie. Ce récit faisait-il référence à la légende de la présence supposée de Josué en Afrique du Nord ? D’autres affirment également, sans pouvoir le démontrer, que le roi Salomon fils de David aurait passé une année en Afrique du Nord. Ainsi, les légendes sont nombreuses mais les preuves matérielles font cruellement défaut. Cela nous renseigne sur le climat spirituel de la région, dont le peuple reste toujours à la recherche d’un guide, roi ou berger pour être à sa tête et le conduire vers de nouveaux horizons.
Il y a encore beaucoup à dire sur le sujet. Il faudra y revenir un peu plus tard, car la richesse spirituelle de l’Afrique du Nord nous réserve encore bien des surprises. Il faudra aller à sa découverte étape par étape, en évitant des affirmations précipitées et des certitudes trompeuses. L’histoire de Tamazgha est loin d’avoir livré tous ses secrets. Un jour, il faudra bien les ressortir et les mettre sur la table, afin que chacun puisse en juger par lui-même, sans que personne ne se permette d’imposer son avis au détriment de ceux des autres.
Nabil Z.
Je connais nedroma et les gens de nedroma sont des gens très pieux