Il y a environs deux mille ans, un berbère fut réquisitionné à Jérusalem, pour porter la croix de Jésus sur son chemin vers la crucifixion. C’était lors de la fête de la Pâque.
Il est curieux de constater que les évangiles ont mentionné l’origine de cet homme. Il venait de Cyrène, en Afrique du Nord. Mais que faisait un berbère à Jérusalem durant la célébration de cette Pâque ?
La Pâque est l’une des trois fêtes bibliques dites « de pèlerinage ». Durant ces fêtes, tous les juifs du monde étaient censés faire le déplacement à Jérusalem pour les célébrer. Mais à cette époque, Jérusalem, comme presque tout le bassin méditerranéen était occupée par les romains. Ce qui facilitait en quelque sorte, les déplacements d’une région à l’autre. A cette époque, Juba II venait à peine de décéder, et son fils Ptolémée de Césarée est devenu Roi de Maurétanie, un royaume occupant presque la totalité de l’Afrique du Nord.
Une deuxième question se pose sur l’identité et l’origine de ce Simon de Cyrène. Etait-il juif ou berbère ? Il faut se rappeler que Cyrène à l’origine était une ville fondée par les grecs fuyant la sécheresse qui sévissait en Europe, et qui étaient allés se réfugier en Afrique du Nord, six-cent-trente ans avant Jésus-Christ. Ils n’y étaient pas allés en conquérants, mais en migrants. Les berbères libyens les ont bien accueillis et les ont orientés vers une région riche et fertile car, disaient-ils, « le ciel y est troué », indiquant ainsi que la pluie y était abondante.
A Cyrène à cette époque, vivaient quatre types de populations : les autochtones berbères, les juifs ayant fui les guerres au Proche-Orient, les grecs réfugiés « pluviométriques », et les commerçants originaires des différentes régions de l’empire romain. Avec le temps, ces populations se mélangèrent pour n’en faire presque qu’une seule, les cyrénéens.
Simon de Cyrène était donc un judéo-berbère. Juif de religion et de tradition, et berbère d’adoption et de domiciliation. On ignore cependant s’il était un juif berbérisé, ou un berbère judaïsé. Toujours est-il qu’il était connu pour être originaire de Cyrène en Afrique du Nord.
Une autre question se pose d’elle-même. Pourquoi lors de cette fête ou il y avait des centaines de milliers de pèlerins venus du monde entier, les romains avaient-ils réquisitionnés un berbère pour porter la croix de Jésus ? Etait-ce un hasard, ou était-ce un choix délibéré ? Tout comme Ibn Khaldoun qui continuait à s’habiller à la manière maghrébine ou qu’il allait, et qu’il était reconnu comme tel, Simon de Cyrène se laissait-il identifier par son vêtement ? Portait-il un burnous et mangeait-il encore du couscous ?
La fête de la Pâque était le jour ou traditionnellement, les juifs sacrifiaient l’agneau pascal pour le pardon de leurs péchés. Mais cette année-là, c’est Jésus qui allait être sacrifié, car identifié par jean le Baptiste comme Agneau de Dieu. Et c’est un berbère qui sera chargé de transporter sa croix jusqu’au lieu de son exécution.
Alexandre et Rufus.
Simon de Cyrène avait deux fils : Alexandre et Rufus. Ils seront présents lors d’une autre fête de pèlerinage à Jérusalem, la Pentecôte qui est célébrée cinquante jours plus tard. C’est le jour officiel de la naissance de ce qu’on va appeler « l’église ». Ce terme ne fait pas référence à un bâtiment ou à un lieu de culte, mais à un rassemblement de croyants. Au début du christianisme, leur lieu habituel de rencontre était la synagogue.
Alexandre et Rufus seront mentionnés plusieurs fois dans le Nouveau testament. Ce qui atteste de leur importance dans l’église des premiers temps. Ils accompagneront l’Apôtre Paul dans ses voyages missionnaires et se distingueront par leur zèle et leur efficacité dans l’évangélisation. Leur mère était considérée par cet Apôtre comme sa propre mère.
Espagne et Catalogne
Alexandre, ce berbère de Cyrène, fils de Simon, sera le premier à évangéliser l’Espagne. Il y laissera une communauté importante et ira finir ses jours à Carthage, auprès des siens. Mais son zèle et son abnégation a suscité de la jalousie autour de lui. A Carthage régnaient encore les cultes païens, et le message d’Alexandre prêchant un Dieu unique, dérangeait. Son message visait à mettre un terme à l’idolâtrie et aux sacrifices aux dieux de bois et de pierre. Les prêtres de ces cultes païens vont alors s’organiser pour assassiner Alexandre, qui sera compté parmi les premiers martyrs berbères de la chrétienté.
Rufus quant à lui, ira évangéliser la catalogne. Il a parcouru le pays pour y prêcher la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, et sera le premier évêque de Tortosa. Il y formera de nombreux disciples et continuera son voyage vers l’ouest de la France ou il évangélisera les habitants de la ville d’Avignon ou il finira ses jours. Aujourd’hui encore, l'Abeye Saint Ruf à Avignon continue d’exister et d’accueillir des milliers de croyants, enfants du berbère fils de Simon de Cyrène.
La rencontre de Simon avec Jésus n’a donc pas été fortuite. Elle a donné le signal à un formidable mouvement d’évangélisation, convertissant l’Afrique et l’Europe païennes en régions adorant un seul et même Dieu. Il y aura par la suite de fortes communautés chrétiennes en Afrique du Nord. A Cyrène premièrement, mais aussi à Alexandrie, ou Saint Marc de Cyrène sera considéré comme le fondateur de l’Eglise Copte. Un siècle plus tard, alors que « l’évangile nous est arrivé de toutes parts », pour citer Saint-Augustin, Carthage deviendra à son tour chrétienne, et de grandes figures vont y apparaître, fondant ainsi toute la théologie chrétienne. Il s’agit entre autres, de Tertullien, de Cyprien, d’Arnobe, de Lactance et du Célèbre Augustin d’Hippone.
Il est aussi curieux de constate que la date de cette fête de la Pâque qui a été célébrée par le sacrifice de Jésus correspond aussi à ce qu’on appelle aujourd’hui, Le Printemps Berbère. Serait-elle une fête inspirante pour les berbères ? Y aurait-il un lien de cause à effet, ou bien ce lien serait-il purement d’ordre spirituel, donc invisible à l’œil nu ? Toujours est-il, que le temps de la libération est certainement proche. Et quand il arrivera, il ne faudra surtout pas oublier de rappeler le rôle de Simon de Cyrène et de ses enfants dans la transformation du monde.
Nabil Z.
Shalom,
Merci beaucoup pour ces détails
Cordialement
L.M