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Photo du rédacteurNabil Z.

Tertullien, Philosophe, Théologien et Écrivain Berbère.

S’il y a une personnalité très peu connue des Berbères de nos jours, c’est bien cet écrivain, théologien et philosophe du deuxième et troisième siècles.


Tertullien est né à Carthage, entre les années 150 et 160 après Jésus-Christ. C’était une époque riche en intellectuels berbères, tels le Pape Victor 1er, Julius Africanus, Apulée de Madaure, et tant d’autres… C’était en même temps, « une période déterminante pour l'histoire de la civilisation occidentale, à l'articulation exacte de deux mentalités qui s'affrontent encore, mais dont il devait être le premier à tenter la synthèse. Né païen, d'éducation et de formation païennes, cultivé, curieux, inquiet de tempérament, il occupe une place particulièrement importante dans l'histoire du christianisme, mais aussi dans celle des lettres latines », comme l’affirme l’Encyclopedia Universalis.

Quintus Septimius Florens Tertullianus, de son vrai nom, était de famille païenne. Son père était officier dans l’armée romaine. Il décède, alors que Tertullien était encore jeune. C’est donc sa mère qui s’occupe de son éducation. Il étudie donc la philosophie, l’histoire, les sciences, le Droit, l’Antiquité et la poésie. Il est brillant, et réussit dans tout ce qu’il entreprend. Il devient donc jurisconsulte ou avocat. Il connait donc parfaitement la langue grecque, langue des lettrés de son époque. Il est à ce titre, confronté à une réalité politique qui l’engage dans un combat auquel il n’était pas préparé : la persécution des chrétiens. Il prend fait et cause pour eux, et les défend d’une manière subtile, notamment en utilisant le droit romain pour montrer comment les gouverneurs avaient tort de persécuter ces nouveaux croyants.

On ne naît pas chrétien, on le devient.

Cette citation a rendu les écrits de Tertullien célèbres dans le monde. Vers l’an 192, il se convertit au christianisme et en devient un ardent défenseur. Ses écrits en langue grecque ne nous sont pas parvenus. Par contre nous avons encore de lui plusieurs de ses ouvrages en langue latine. Il est d’ailleurs, avec le pape Berbère Victor 1er, le premier chrétien à écrire en latin. Minucius Félix, cet autre écrivain chrétien Berbère de Numidie en fait de même.  « A une époque où, pour diverses raisons, la littérature latine paraît sur son déclin, il assure brillamment le relais, en lui communiquant une inspiration nouvelle » ajoute l’Universalis.


Durant la première partie de sa nouvelle vie de chrétien, Tertullien publie plusieurs ouvrages : « Ad Martyres, - Apologeticum, - De Testimonio animae, - Ad Nationes, - Adversus Judaeos, - De Oratione, - De Raptismo, - De Paenitentia, - De Spectaculis, De Cultu faeminarum, I, - De Idolatria, - De Cultu faeminarum, II, - De Paenitentia, - Ad Uxorem, I et II, - De Praescriptione hoereticorum. - Adversus Marcionem ». Ils ont tous été traduits dans plusieurs langues et font partie de nombreux programmes des cours de philosophie ou de théologie de plusieurs universités dans le monde. Mais bien sûr, pas celles des pays du Maghreb, qui ignorent jusqu’à l’existence de ce géant Berbère à dimension historique mondiale. L’occident moins dogmatique, a préféré en profiter et en tirer un maximum de leçons.


L’Encyclopedia Universalis précise que « Tertullien est sans conteste le premier en date des grands moralistes et des grands théologiens d'Occident. Du fait des circonstances plus que par goût personnel, il fut amené à écrire une œuvre qui est presque entièrement polémique, caractère qui lui confère une certaine raideur, n'en facilite pas l'accès et, surtout, tend à donner de l'homme une image déformée…. Ce converti, attiré sur le plan de l'éthique par l'ascétisme de l'hérésie montaniste, n'a jamais négligé l'esthétique, par souci d'efficacité autant que par attachement réfléchi aux valeurs anciennes ».

Dans ses écrits, Tertullien ne parle pas de lui-même. Il se fait discret et considère que sa foi est plus importante que sa personne. Pourtant, comme l’affirme l’Encyclopédie Larousse, « Son œuvre est gigantesque et au style percutant. Son ouvrage adressé Aux nations est une critique acerbe du paganisme ; l'Apologétique (197), véritable plaidoyer en faveur de la liberté de religion, constitue une défense du christianisme adressée aux gouverneurs romains persécuteurs des chrétiens. Tertullien se montra un polémiste infatigable : Sur la prescription des hérétiques (vers 200) est une méthode de combat contre les déviations teintées de gnosticisme ; Contre Marcion, le plus volumineux de ses traités, dénonce l'opposition établie entre le Dieu de l'Ancien Testament et celui du Nouveau ; Contre Hermogène développe la doctrine chrétienne de la création du monde matériel par Dieu ; Contre Praxeas est une somme doctrinale des développements théologiques de la notion de Trinité divine. Tertullien a écrit aussi de nombreux ouvrages traitant de la morale pratique, où il se montre témoin privilégié des mœurs de son époque et un infatigable dénonciateur de tout laxisme : Aux martyrs, Sur les spectacles, Sur la toilette des femmes, Sur la prière (le plus ancien commentaire connu du Notre Père), Sur la patience, Sur la pénitence, Sur la couronne (où il prône l'objection de conscience). Plus serein est son traité Sur l'âme, où il s'interroge sur l'essence de l'âme et réfute les philosophies antiques qui nourrissaient les hérésies contemporaines, en particulier le platonisme. À la différence des autres apologistes que furent Minucius Felix et Lactance, Tertullien, premier écrivain chrétien de langue latine, apparaît comme un esprit intransigeant, un « intégriste », dirait-on aujourd'hui, partisan d'une rupture totale du christianisme avec la culture classique, dont il est pourtant lui-même imprégné. Mais son talent littéraire et son style puissamment original font de lui un écrivain de premier ordre, et l'un des plus grands de la littérature latine ».

Tertullien est pourtant amère. Il constate l’état de décadence de sa société. Il enseigne, exhorte, et même supplie les gens à se détourner du mal. Mais beaucoup ont préféré vivre une vie mondaine, délaissant leurs devoirs civiques, ils préféraient aller aux jeux de cirque que Tertullien condamnait. Tant de violence à l’égard des animaux, tant de cruauté dans les combats des gladiateurs. Cette situation le mène, au début du troisième siècle à devenir de plus en plus rigoriste, au point où il adopte une nouvelle doctrine, le Montanisme. Un mouvement religieux né en Turquie, qui prône la rigueur dans la vie religieuse. C’est d’ailleurs, le principal reproche que les catholiques font à Tertullien. Le pape Benoit XVI avait prévenu ses fidèles du danger de se priver de l’enseignement de Tertullien. C’est encore aujourd’hui une source d’inspiration dont on ne peut se priver. D’ailleurs, Cyprien de Carthage, cet autre écrivain Berbère du IIIème siècle s’en est largement inspiré. Et Saint Gérôme affirmait qu’il lisait chaque jour, un extrait des œuvres de cet écrivain hors pair.


La Trinité Divine :

Parmi les concepts théologiques les plus importants développés par Tertullien, il y a celui de la Trinité. Dans son désir d’expliquer le mystère de Dieu, il est le premier à utiliser ce mot qu’il a lui-même inventé. Il affirme qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Cependant, il se manifeste de trois manières différentes. La première est celle de Dieu le Père, créateur des cieux et de la Terre, des étoiles et de l’Univers. La deuxième est Jésus-Christ, Fils de Dieu, rédempteur de l’Humanité, ayant donné sa vie pour le salut de ceux qui croient en lui. La troisième est le Saint-Esprit, envoyé pour accompagner les croyants dans leur vie spirituelle, en attendant le retour du Christ. Pour Tertullien, ces trois personnes sont de même substance, et ne font donc qu’un seul et même Dieu. 


La théologie de la Trinité a beaucoup été débattue depuis l’Antiquité. Elle a été combattue, défendue, critiquée, précisée et finalement adoptée par l’ensemble de la chrétienté, qui doit donc à ce penseur Berbère un des dogmes les plus importants du christianisme. D’ailleurs, l’Afrique du Nord, avec Carthage pour capitale, deviendra le centre mondial du christianisme, avant que, quelques siècles plus tard, Rome n’en prenne le relais.

L’œuvre de Tertullien, mort vers l’an 240, a bel et bien bouleversé la pensée occidentale. Saint Augustin avait même signalé qu’un mouvement appelé « Tertullianistes » existait encore à son époque, deux siècles plus tard. Le pape Berbère Gélase 1er l’avait canonisé et l’a déclaré « Père de l’Église », comme quatre autres berbères : Minucius Félix, Cyprien de Carthage, Victorinus et Augustin d’Hippone. Il nous laisse une œuvre gigantesque, que les universités maghrébines devraient étudier et insérer dans leurs programmes. En considérant toutes les œuvres philosophiques de ces écrivains berbères, il serait même possible de créer une chaire, voire même, un institut de la pensée berbère de l’Antiquité. Ce serait une belle source d’inspiration pour nos générations actuelles et futures, et un lien indéniable entre notre histoire et notre avenir.


Nabil Z.

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