Contrairement à la philosophie grecque, les algériens développent une sagesse populaire d’une telle profondeur, et pourtant exprimée avec des mots d’une simplicité déconcertante.
L’Algérie moderne n’est pas la seule à vivre une crise politique. Depuis les temps les plus anciens, les philosophes ont réfléchi aux moyens de résoudre ces crises, tout en essayant d’esquisser les contours d’une république idéale. C’est ce qu’ont essayé de faire les philosophes grecs comme Socrate, que Platon a formalisé dans un livre en dix volumes : la République de Platon.
Dans le volume I, est posée la question de la définition de la Justice. Socrate a essayé d’en donner deux variantes.
La première a été avancée par un de ses disciples, Polémarque, pour qui « la justice consiste à faire du bien à vos amis et causer des dommages à vos ennemis ». Un peu comme lors d’une guerre. Mais cette définition pose un certain nombre de questions philosophiques, comme celle qui consiste à définir qui est l’ami, et qui est l’ennemi. Force est de constater que dans le monde politique, la notion d’amitié est non seulement extensible à souhait, mais surtout, elle est circonstancielle, et peut facilement changer de direction, confondant les deux antagonistes. L’ami d’aujourd’hui devient donc l’ennemi de demain, et vice-versa. Selon cette définition, la justice ne peut donc être absolue. Elle devient de fait fragile et peut même se transformer en injustice.
La deuxième définition, donnée par Thrasymaque, se positionne selon un autre point de vue. Elle devient un rapport de forces. « La justice est l’obéissance à l’intérêt du plus fort ». C’est surtout ce qu’on constate dans la vie réelle, ou on voit qu’un vendeur de cigarettes à la sauvette est condamné plus sévèrement que celui qui détourne des millions. Mais l’idéal selon Socrate, ce serait que la Justice soit “l’excellence de l’âme”. On peut longtemps philosopher sur cette expression, sans jamais en sortir avec une explication satisfaisante.
Voume 2 :
Dans le volume 2, une nouvelle définition nous est donnée : « la justice est un compromis conçu pour la protection mutuelle des citoyens d’un État ». C’est-à-dire que la Justice est un moyen que l’Etat met en place pour éviter que les citoyens ne s’entre-tuent. Ce sont les prémices qui conduisent à l’institutionnalisation de la Justice.
Volume 3 :
Curieusement, le volume 3 aborde la question des arts dans l’éducation. La poésie n’est pas le fort de Socrate qui considère qu’elle porte atteinte à la réalité et la déforme. Il propose de mettre à sa place, des programmes d’enseignement de la musique, seule capable à ses yeux, de développer des vertus chez les citoyens, comme le courage, lasagesse et la tempérance. Poursuivant sa logique, il propose de développer l’éducation physique, à laquelle il trouve beaucoup de vertus. Mais il s’inspire d’un mythe qui voulait que les citoyens sont faits d’un certain mélange de métaux, d’or, d’argent, de fer et de laiton. C’est, selon lui, ce mélange qui détermine leur position sociale.
Volume 4 :
Dans le volume 4 il aborde la question des personnes chargées de la sécurité publique. Pour lui, la raison d’être de l’Etat est d’exister pour le bien du plus grand nombre et non pour celui-ci de quelques privilégiés. Fondé sur la répartition des tâches, elle donne aux gardiens la responsabilité de garder la Cité et de veiller à sa sécurité. Socrate repose laquestion de la justice en tenant compte de quatre vertus dont les trois déjà mentionnées plus haut. Il y ajoute la digression. Celle-ci donne les trois principes de l’âme : la raison, la passion et l’appétit. Lorsqu’il y a harmonie entre elles, la Justice règne.
Volume 5 :
Une des questions les plus impérieuses est abordée dans ce volume 5 : comment éviter que cette Cité Idéale ne disparaisse ? Une sorte de terrible dictature est esquissée, suggérant un fort contrôle de la population. Donner en tout l’avantage aux forts qui doivent se reproduire pour assurer une descendance solide, et décourager les faibles à le faire. Éliminer les faibles, surtout les enfants, au mieux en les cachant avant même qu’on n’ait eu le temps de les identifier et de leur donner une identité.
Le pouvoir doit être donné aux philosophes, et tous les régnants doivent devenir philosophes. Mais il butte contre une définition : qu’est-ce qu’un philosophe ? Car, le réel n’est qu’une idée, une illusion. Le philosophe doit, grâce à la contemplation des idées, et à la méditation avoir accès aux sens profonds, et à la vérité. Mais là encore, qu’est-ce que laVérité ?
Volume 6 :
Le volume 6 est consacré aux critiques émises concernant la classe des guerriers : pour Adimante les gardiens sont des monstres, puisqu’usant de violence et faisant couler le sang. Mais pour Socrate, ils sont nobles et altruistes, puisqu’ils ne combattent pas pour défendre leurs propres intérêts, mais ceux de la population et de la Cité. Les citoyens ont besoin de personnes désintéressées et compétentes pour les gouverner. Suit alors un discours sur la relation entre le soldat et le philosophe. Le premier, dit-il, cesse d’être le soldat quand il abandonne la vérité.
Volume 7 :
Dans ce volume, est présentée une allégorie, dite « l’allégorie de la caverne ». Il s’agit d’une scène représentant une grotte obscure où se trouve un groupe de prisonniers, enchaînés de telle façon qu’ils ne peuvent pas bouger la tête. Ils sont obligés de faire face au mur qui est face à eux. Un feu projette les ombres sur ce mur. Les prisonniers croient que les ombres sont vraies. Mais un jour, un prisonnier est libéré. Il découvre la vérité sur les ombres qui ne sont qu’une illusion. Et est aveuglé par la lumière du jour, en sortant de la grotte. Revenant sur ses pas, il décide de dire la vérité aux autres prisonniers, mais il n’a droit qu’à leurs rires, v-car incrédules. Ce prisonnier libéré représente le philosophe qui, connaissant la vérité, va la partager auprès de ceux qui vivent dans les ténèbres.
Volume 8 :
Dans cette partie du livre, Socrate analyse les différentes formes de régimes ou systèmes politiques. Pour Socrate, il existe quatre formes de systèmes corrompus : la timocratie, l’oligarchie, la démocratie et la tyrannie. Ce dernier est présenté comme le pire des régimes. Il est surprenant de trouver la démocratie parmi ces régimes corrompus.
Volume 9 :
Le volume 9 présente la figure du tyran en comparaison avec celle du philosophe. Le tyran agit pour son propre bien, et est mû par des appétits insatiables. Il est menacé de tous les côtés et à chaque instant par la trahison et l’assassinat. Soit par les siens, soit par des ennemis. Son pouvoir est donc considéré comme une forme d’extrême esclavage. Le tyran est le symbole même du désordre et de l’injustice. Pour Socrate donc, l’idée même de l’Etat idéal n’est qu’une construction théorique. Le philosophe doit en faire une réalité en la vivant tout au fonds de lui-même.
Volume 10:
Pour finir, il est question de métaphysique, puisque le dernier volume de la République pose la question de l’immortalité de l’âme et s’interroge sur sa destinée après la mort. Bien que l’homme juste soit supposé tirer de grandes récompenses dans la vie mortelle, c’est dans l’au-delà que sa vertu est le mieux reconnue.
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