On est loin de « L’Algérie vue du Ciel » de Yann Arthus Bertrand. L’Institut du Monde Arabe qui organise une année consacrée à la photographie, nous présente les premières photos de l’Algérie nouvellement colonisée. En parallèle, la Piscine de Roubaix présente les tableaux de Gustave Guillaumet, peintre orientaliste ayant vécu en Algérie au 19eme siècle.
C’est l’antenne de Tourcoing de l’IMA qui est à l’initiative de la première exposition intitulée « Photographier l’Algérie ». Ses responsables ont tenu à coordonner leur action avec la Piscine de Roubaix qui accueillait l’exposition « L’Algérie de Gustave Guillaumet ».
L’IMA-Tourcoing réunit une centaine de photos depuis le début du XXe siècle jusqu’en 2002.
La photographie est née presqu’en même temps que la conquête coloniale, et elle a accompagné l’occupation progressive de l’Algérie par l’armée française. « Cette exposition n’est cependant pas une histoire de l’Algérie par l’image », nous rappelle le site de l’IMA. « Elle vise à mettre en évidence certains des regards qui se sont appliqués ensemble ou successivement à ce pays ». Elle part du constat selon lequel la photo varie selon la personne qui la prend et le public pour laquelle elle est destinée. Cette exposition vise donc à pousser les visiteurs à s’interroger sur la nature de l’image comme moyen de contact entre différents mondes et moyen de lecture d’un contexte historique et social.
On y trouve donc plusieurs types de photographies, comme par exemple, cette vision orientaliste, l’enquête ethnographique de Thérèse Rivière partie en mission dans les Aurès avec Germaine Tillion, ou la réaction d’un Pierre Bourdieu qui découvre dans ce pays et dont il tombe amoureux, « au travers d’images prises spontanément en Algérie entre 1958 et 1961 » sa vocation de sociologue. On y trouve également des clichés de femmes pris par un appelé du contingent, Marc Garanger, chargé de faire des photos d’identité de la population. Il y a aussi de mémorables photos prises par Marc Riboudqui couvrait les manifestations populaires lors des premiers jours de l’Indépendance. Il y a également des clichés de la Décennie noire de « Bruno Boudjelal découvrant le pays de son père pendant la décennie noire ».
Françoise Cohen, la directrice de l’IMA Tourcoing explique les raisons de cette exposition dans sa ville : « Nous sommes implantés dans une ville avec une très forte proportion d’habitants d’origine maghrébine, arrivés dans les années 60 pour travailler dans les industries textile et minière. Le thème de l’exposition, "Photographier l’Algérie ». Quant à Bruno Guadichon, le directeur de la Piscine de Roubaix, il dit se réjouir de la coïncidence des événements qui se déroulent actuellement en Algérie avec ces expositions qui ont été programmées depuis deux années. Cela a, en quelque sorte, fait de la publicité à l’événement.
Gustave Guillaumet dont les tableaux sont ainsi exposés, a vécu en Algérie, ou plus précisément y a longuement séjourné onze fois. Périodes durant lesquels il tissera une relation étroite avec ce pays dont il documentera l’histoire, « en portant sur le quotidien un regard lucide et respectueux, voire empathique, peu perméable à l’exotisme ». Au début, Guillaumet a eu un grand succès en France avec ses tableaux. Mais petit à petit, son aura va décliner, le public lui reprochant d’être trop près du pouvoir colonial. Ce qui le poussera à se donner la mort en 1887 à l’âge de 47 ans.
Vingt ans plus tard, les Gaumont vont sillonner le pays en prenant plein de clichés et en constituant un véritable album sur l’Algérie. Françoise Cohen, en organisant son exposition de photographies a voulu, en quelque sorte, convoquer différents regards sur ce pays et cette époque. Des regards successivement coloniaux, anthropologiques, journalistiques, sociologiques et intimes.
De façon prémonitoire, la photo qui illustre l’affiche de cette exposition a été prise le 2 Juillet 1962, au lendemain du référendum d’indépendance de l’Algérie, avant même que les résultats du scrutin ne soient proclamés. Elle montre une femme défilant avec un drapeau algérien, tout comme celle qui battent le pavé actuellement dans toute l’Algérie, depuis Kherrata, le 16 février dernier. Si la première exposition est prévue jusqu’au 2 Juin, la seconde quant à elle ira jusqu’au 13 Juillet.
Nabil Z.
Comments