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Photo du rédacteurNabil Z.

True Crime, ou Comment un Roman a Servi a Arrêter un Meurtrier

En février 2008, le journaliste David Grann publie dans les colonnes du New Yorker un article incroyable intitulé «True Crime». Ou l’histoire d'un détective qui arrête un criminel grâce à son propre roman.


En décembre 2000, le corps d’un homme est repêché dans un fleuve à l’ouest de la Pologne. Il s’agit de celui de Dariusz Janiszewski, 35 ans, publicitaire. Lors de l’enquête, la police interroge tout son entourage. Sa femme, ses proches ses voisins et ses collègues. Sans succès. On ne lui connaissait ni des problème, ni des ennemis. Janiszewski était un homme calme, guitariste amateur de rock. Après avoir constaté le blocage, l’enquête est presque abandonnée.


Trois années plus tard, l’inspecteur Jacek Wroblewski ressort le dossier et se met à le réétudier. Il a 38 ans, et suit des cours de psychologie à l’université de Wroclaw. Cours qu’il compte utiliser pour résoudre le mystère.


La violence du meurtre l’amène à penser qu’il s’agit d’un acte ciblé, plutôt personnel. Le corps de Dariusz Janiszewski a été retrouvé presque nu, comme on avait voulu l’humilier. Le mobile du vol a vite été écarté, puisque ses cartes bancaires n’ont pas été utilisées, ni pendant ni après sa disparition et rien ne semblait lui avoir été subtilisé. Dans la déposition de sa mère l’inspecteur relève que le jour où son fils a disparu, quelqu’un a l’appelé au bureau et elle lui a communiqué son numéro de portable.


L’appel a ainsi été retracé, mais il venait d’une cabine téléphonique. Et une minute plus tard, un autre appel a été donné depuis cette même cabine vers le portable de Janiszewski. Cela n’avait peut être rien à voir avec le meurtre, mais aucune piste n’était à écarter. Malheureusement, cela n’a rien donné, puisque la personne n’a pas été retrouvée.

L’inspecteur ne s’est pas pour autant avoué vaincu. Il continue son enquête et arrive à retrouver le numéro de série du téléphone portable de la victime. Il découvre qu’un téléphone portable avec ce même numéro de série a été vendu sur un site de ventes aux enchères quatre jours après la disparition de Janiszewski. Le pseudo du vendeur est: «ChrisB». Le policier remonte à la source et découvre la vraie identité de ChrisB. Il s’agit d’un certain Krystian Bala âgé de 30 ans.


Un roman à la rescousse

Mais Bala vit désormais aux États-Unis. L’inspecteur Wroblewski décide quand même de faire quelques recherches sur lui. Il découvre qu’il vient de publier un roman intitulé Amok. Un livre qu’il se fera le plaisir d’acheter et de lire. C’est l’histoire de la vie d’un intellectuel polonais qui aime philosopher, picoler, et fréquenter toutes sortes de femmes. Dans le roman, il tue une femme pour le plaisir de la tuer, tout en se targuant de n’avoir jamais été arrêté. Le nom de cet anti-héros? Chris, comme par hasard. Chris, le même pseudonyme que le vendeur, et proche de celui de Krystian.


L’inspecteur découvre qu’en l’an 2000, Bala a traversé une mauvaise passe, et son entreprise fait faillite. Il a donc décidé d’aller vivre aux Etats-Unis.


Cependant, le meurtre perpétré dans Amok ne ressemble pas à celui de Janiszewski. A une exception près: après avoir tué la jeune femme d’un coup de poignard, Chris décide… de le vendre sur Internet. L’inspecteur Wroblewski relève un autre détail. À un moment donné dans ce roman, Chris raconte qu’il a tué un homme. Wroblewski demande donc à une amie experte judiciaire de décrypter la personnalité du personnage de Chris dans Amok. Mais pour elle, il n’était pas possible de «délivrer une expertise psychiatrique de l’auteur à travers un de ses personnages de fiction». De plus, il n’y avait pas de mobile de crime apparent, et les deux personnages, Chris et la victime ne semblaient pas se connaître.


Quand la télé s’en mêle

En février 2002, une émission de télévision polonaise traite du meurtre et ouvre un site demandant aux téléspectateurs qui auraient une quelconque information de la communiquer. Le site a bien reçu des visite de plusieurs pays comme le Japon, la Corée ou les Etats-Unis, mais aucune piste sérieuse n’a été évoquée. Et à l’automne 2005, Krystian Bala rentre en Pologne pour quelques jours.


Wroblewski le convoque pour l’interroger. Il a besoin d’une confession ou d’un aveu pour le garder. Mais Bala affirme qu’il ne connaissait pas la victime et qu’il n’avait aucune information relative à ce crime. Concernant le téléphone portable, l’écrivain déclare qu’il ne se souvenait plus plus où il l’avait acheté à l’époque. Krystian Bala est relâché faute de preuves ou d’indices.

Bala croit tenir dans cette affaire un scoop et avertit la presse: Comment une œuvre de fiction publiée dans un roman peut-elle être utilisée contre son auteur?



Mais l’inspecteur continue son travail suivant ainsi son intuition. Il vérifie le passeport de Bala, et trouve des tampons du Japon, de la Corée du sud et des États-Unis. Elles correspondent parfaitement avec les visites enregistrées sur le site de l’émission télé. Il ne manque plus qu’à trouver un mobile pour ce meurtre.


L’équipe de policiers découvre que les coups de fil passés à Janiszewski depuis la cabine téléphonique ont été passés avec une carte prépayée. Or, chaque carte prépayée dispose d’un numéro d’identification. Ils obtiennent ce numéro et découvrent tous les appels téléphoniques passés avec cette carte. Elle a servi à appeler le bureau de Janiszewski, son portable, mais aussi les parents de Krystian Bala, sa petite amie, ses amis et son associé.

Une amie de l’ex-femme de Bala raconte aux policiers qu’à l’été 2000, elles sont sorties en boîte de nuit et ont discuté avec un homme aux cheveux longs. Dariusz Janiszewski. L’ex-femme de Bala admet avoir rencontré Janiszewski, et être sortie une ou deux fois avec lui, mais quelques semaines après l’avoir rencontré, Bala a débarqué chez elle en défonçant la porte pour lui avouer qu’il savait tout au sujet de Dariusz Janiszewski. Chris, contrairement à ce qu’il avait déclaré à la police, connaissait donc bien la victime.


Krystian Bala fut arrêté et condamné à 25 ans de réclusion criminelle en 2007. Son histoire a été racontée dans un film aux Etats-Unis (True Crime) avec Jim Carrey pour acteur principal.


Selon Wikipedia, le true crime (littéralement la « criminalité réelle », les « histoires criminelles vraies ») est un genre littéraire et, dans une moindre mesure, cinématographique et radiophonique qui trouve son origine aux États-Unis. Il vise à dépeindre la réalité des crimes et des criminels. Certains auteurs décrivent ces faits criminels le plus fidèlement possible, d'autres ne s'interdisent pas d'y mêler une dose de fiction.


Nabil Z.

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