Abraham eut un petit-fils nommé Jacob, fils d’Isaac. C’est ce Jacob qui deviendra par la suite Israël, tel que raconté dans la Bible et le Coran. Israël eut douze fils. Chacun d’eux est devenu une grande tribu. Ces douze tribus ont constitué le royaume historique d’Israël qui eut comme rois, les célèbres prophètes David et son fils Salomon. Quelque temps après, dix des douze tribus ont disparu. Que sont -elles devenues ? Une thèse prétend qu’elles se seraient installées en Afrique du Nord, chez les berbères.
Les recherches pour essayer de retrouver les dix tribus perdues d’Israël se sont intensifiées ces deniers temps. L’actuel Etat d’Israël est constitué des deux autres tribus qui ont-elles aussi été éparpillées dans le monde, sans disparaître toutefois. Il s’agit des tribus de Juda (Yehuda en hébreu, donnant les Yehoudim, ou les Yahoud, les juifs), et de Benjamin, auxquelles s’est ajoutée la tribu de Levi, constituée essentiellement des Levi et des Cohen.
Scission du Royaume de Salomon.
La division du Royaume va causer sa faiblesse et sa vulnérabilité. Après la mort du roi et prophète Salomon (Sidna Souleyman), le Royaume d’Israël fut divisé en deux. Le royaume du Nord, avec pour capitale Samarie, et celui du Sud avec pour capitale Jérusalem. C’est Roboam, fils de Salomon qui était le roi de Juda. Cette partie de l’histoire intéresse particulièrement les berbères, puisque c’est à ce moment que va intervenir le pharaon Chachnaq. C’est lui qui ira à Jérusalem dépouille le temple de Salomon, comme raconté par la Bible.
Les deux royaumes vont ainsi rester séparés depuis cette époque. Mais plusieurs années plus tard, les royaumes voisins vont s’intéresse à cette terre, suscitant leur convoitise. En 722 avant Jésus-Christ, le royaume d’Assyrie va dévaster celui de Samarie et déporter toute sa population, dispersant ainsi ses dix tribus dans le monde. Plus d’une centaine d’années plus tard, Babylone va prendre en captivité les habitants du royaume de Juda pendant soixante-dix ans, avant que le roi Cyrus leur permette de rentrer chez eux.
Le devenir des dix tribus est donc devenu un mystère depuis. Les chercheurs se demandent ce qu’elles sont devenues, et plusieurs thèses s’affrontent à ce sujet. La thèse de l’Europe et de l’Amérique a longtemps prédominé. C’est ainsi que les Saxons, seraient en réalité les Isaac’s Sons, les fils d’Isaac. Le Danemark serait la tribu de Dan, etc… Mais cette thèse à elle seule, n’explique pas tout. Par exemple, il a fallu beaucoup de temps et de travail pour identifier les Falashas d’Ethiopie et leur reconnaitre leur origine juive. Il y a encore beaucoup de traces de l’existence de ces tribus dans le monde. En Chine, au Japon, en Mongolie, ou les Khan seraient en réalité des Cohen, en Afrique, en Amérique du Sud, etc…
Mais il existe aussi une théorie, de plus en plus crédible, qu’une partie de ces tribus se seraient installées en Afrique du Nord. Selon André Chouraqui, juif de Ain Temouchent en Algérie, ancien magistrat à Ain El Hammam en Kabylie, et traducteur du Coran et de la Bible, les Israélites ont commencé à émigrer vers l’Afrique du Nord, dès le huitième siècle avant Jésus-Christ. Précisément après la division d’Israël en deux royaumes.
En examinant cette piste, des chercheurs ont vérifié l’origine des tribus juives berbères, depuis le Nil jusqu’au Maroc. Ces tribus, étaient-elles juives berbérisées ou bien berbères judaïsées ? C’est ce que les recherches essaient de déterminer. En analysant l’histoire de l’Afrique du Nord, on découvre en fait que plusieurs tribus juives vivaient en Afrique du Nord. Ibn Khaldoun en cite de nombreuses, dont les Fendalaoua, les Djraoua, les Mediona, etc… Ces tribus, nous disent les chercheurs, ont évolué indépendamment des autres communautés comme celle de Carthage, en lien étroit avec le judaïsme conduit par les rabbins. Elles vivaient leur judaïsme indépendamment des traditions et cultures rabbiniques, se confondant elles-mêmes avec les coutumes locales. De sorte qu’il était difficile de distinguer en Afrique du Nord, qui était berbère juif et juif berbère. Ils portaient tous les mêmes noms et vivaient dans les mêmes conditions.
La Kahina reine juive et berbère
La Kahina, qui a mené la résistance contre les invasions arabes, était connue pour être juive, cheffe d’une tribu berbère nommée Djeraoua. Contrairement à ce qu’on a dit d’elle, le fait que Dihia était surnommée la Kahina, ce n’était pas parce qu’elle était sorcière, mais parce qu’elle était issue de la tribu israélite des Cohen, Kahen. Le nom de la tribu des Djeraoua viendrait d’un mot hébreu qui veut dire « Converti ». Etait-elle berbère convertie au judaïsme, ou juive cohen convertie à la culture et traditions berbères ? Toujours est-il, ce statut montre qu’en Berbérie, les juifs n’avaient pas de statut particulier les distinguant des autres. Ils étaient juifs parmi les juifs et berbères parmi les berbères. D’ailleurs à cette époque, il existait aussi de nombreuses communautés chrétiennes non moins berbères. Seul l’exercice du culte dans le domaine privé leur permettait de vivre leur foi particulière. En public, rien ne permettait de distinguer le juif du chrétien ou du païen.
La recherche devrait nous permettre à l’avenir d’y voir plus clair dans cette situation. Car, dès l’an 1391, des persécutions ont commencé en Europe, contre les juifs et les musulmans. En Espagne, Ferdinand et Isabelle ont pris le pouvoir des mains des royaumes musulmans et Charles Martel a commencé une Guerre contre l’invasion arabe depuis Poitiers. L’Afrique du Nord va recevoir des vagues incessantes de juifs et de musulmans revenus d’Europe. Ces derniers vont s’installer un peu partout en Afrique du Nord, rejoignant les communautés déjà installées depuis des siècles.
Dans les années soixante, pour ne parler que du cas algérien, les communautés juives sont parties s’installer essentiellement en France et en Israël, emportant avec elles les éventuelles traces de leur histoire pluri-millénaire d’Afrique du Nord. Ne serait-ce pas là-bas qu’il faudra creuser ? Certainement aussi, il pourrait exister des traces dans les autres communautés du Maghreb. Au Maroc, en Tunisie, dans le Touat, le Mzab, dans l’Atlas, la Kabylie, en Libye, etc… La recherche sera longue et ardue, surtout que les archives sont, pour la plupart la propriété de familles et d’individus, plutôt que des Etats.
Les Dix Tribus en Tamazgha ?
Une partie de l’histoire des berbères se trouverait donc dans celle des dix tribus perdues d’Israël. La drôlerie de l’histoire, c’est que pour les berbères, c’est toute leur histoire qu’il faudra déterrer, et non pas seulement celle des juifs berbères. On ne connaît que très peu l’histoire de la Libye païenne et plus tard, de l’Afrique chrétienne. Ces deux entités sont évidemment deux phases successives de l’Histoire de Tamazgha dans son ensemble. Si des noms comme ceux d’Augustin, Cyprien et Tertullien sont constamment rappelés, qui les a lus, et qui connait leur histoire ? Son absence des manuels scolaires et des programmes universitaires contribue certainement à garder le mystère sur ce sujet. Allons-nous continuer à cacher le soleil avec le tamis, ou aurons-nous le courage, la lucidité et l’intelligence de tout mettre en lumière ?
Ces tribus perdues, dans le cas où elles auraient migré vers l’Afrique du Nord, sont-elles toutes parties après l’indépendance de l’Algérie ? Y en a-t-il qui sont restées ? certaines par conversion à l’Islam, d’autres en se fondant dans la société et d’autres encore, peut être en vivant leur foi en cachette ? Il serait intéressant de le savoir, car depuis des millénaires, les berbères n’ont jamais utilisé le prétexte religieux pour créer des discriminations ou des divisions. Les romains arrivés en Tamazgha, se faisaient le devoir de rendre un culte aux Deii Maurii, les dieux maures, pour se faire accepter par la population locale et gagner les faveurs de ces divinités. Les guerres entre les berbères et les romains n’ont donc jamais eu comme arrière-plan une quelconque guerre de religion, mais de liberté et de souveraineté. Au contraire, ce sont les prédicateurs berbères comme Augustin, Cyprien, Arnobe, Lactance et Tertullien qui ont permis à l’occident de connaître la foi qu’ils continuent encore à professer aujourd’hui, le Christianisme. Le chemin est encore long, et il y a certainement encore de nombreuses pépites et de nombreux trésors culturels et civilisationnels à découvrir.
Nabil Z
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