La pièce de théâtre « La peur doit changer de camp », en allemand « Angst muss die seiten welchseln », co-produite par le Festival International de Théâtre de Béjaia et le théâtre « suite 42 » de Berlin est au programme au TRB à partir de ce soir, pour une première, à partir de 18 heures. Cette pièce sera ensuite jouée au Théâtre Régional de Tizi-Ouzou Samedi, et au TNA à Alger, Lundi prochain.
C’est donc une co-production algéro-allemande qui sera à l’honneur cette semaine en Algérie. « Suite 42 » est connue en Algérie pour avoir déjà battu les planches algériennes, il y a de cela deux années, en 2015, en présentant la pièce « Land Ohne Worte », un one man show ayant pour thème principal le terrorisme, tel que vu et vécu par une artiste allemande.
C’est ce même théâtre, composé essentiellement de Lydia Zimke, Lucie Zelger et Owen Lasch, qui a décidé de prolonger et approfondir son expérience algérienne. Avec Omar Fetmouche, dramaturge et homme de théâtre, alors président du FITB, il a été décidé de faire une co-production pour mieux faire connaître le théâtre des deux pays aux spectateurs respectifs allemands et algériens.
C’est donc une coopération entre suite42 et le Festival international du Théâtre de Béjaia dans le cadre du programme Changement de scènes de l’Institut allemand du Théâtre international et de la fondation Robert Bosch, et financée par le Goethe-Institut Alger, l’Ambassade d’Allemagne à Alger et Mawred Tajwaal Libanon.
C’est ainsi qu’Omar Fetmouche a écrit une pièce faisant appel à une histoire commune entre un allemand et un algérien. Voici comment le TRB présente cette pièce : « Lydia de Berlin et Lydia de Béjaia attendent dans la zone de transit de l'aéroport de Paris pour continuer leur voyage dans leurs villes respectives. Elles ne se connaissent pas mais leurs grands-pères respectifs se sont affrontés en Alsace pendant la seconde Guerre mondiale. Comme leurs mères, les deux femmes ont vécu des expériences marquées par la violence à l’issue de différents bouleversements en Algérie et en Allemagne. À l'aéroport, les craintes d'attaques aveugles ont ravivé leurs souvenirs douloureux. Au moment où elles se reconnaissent, elles se préparent déjà pour le vol… L’histoire des deux femmes représente une partie des développements historiques en Europe, en particulier en Allemagne de l'Est, et en Afrique du Nord, notamment en Algérie, qui ont contribué à cette atmosphère. Et que disent les femmes à tout cela ? »
C’est certainement une thématique intéressante que les responsables de ces théâtres ont abordé dans cette pièce. Il faut du courage et de la lucidité pour aborder un tel sujet. La délicatesse s’impose alors, et le spectateur est invité à réfléchir aux réalités qui semblent différentes d’un pays à l’autre, pourtant si proches et si communes.
Une histoire commune :
Il y a une histoire commune à l’Algérie et à l’Allemagne qui remonte à plus de seize siècles. Même si ni l’Algérie, ni l’Allemagne n’existaient sous ces noms, les peules et les pays restent les mêmes. Et c’est un algérien qui sera à l’origine de la première étape dans cette histoire. Il s’agit de Saint Augustin. Le fils de Taghaste est certainement le plus grand philosophe que l’occident n’ait jamais connu. Né et mort en Algérie, il a vécu un certain temps en Italie avant de devenir l’Evêque de l’actuelle Annaba. Il est l’auteur des célèbres « Confessions » et « LaCité de Dieu ». Même si Augustin à vécu aux quatrième et cinquième siècles, il a influencé tous les philosophes et théologiens qui sont venus après lui, jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi que Martin Luther, le Père de la Réforme protestante en Allemagne se réclamait de lui. Il a affirmé que c’est grâce à ses lectures de Saint Augustin qu’il a enfin compris les choses et qu’il s’est mis à enseigner la théologie et la philosophie de manière telle que le monde en fut bouleversé. On a célébré en Novembre dernier, les 500 ans de la réforme protestante.
C’est à la mort de Saint Augustin que les vandales- allemands- sont arrivés à Annaba, occupant la majorité du littoral nord-africain. Ils sont restés environs un siècle dans notre pays, et on fait souche dans différentes régions, notamment dans le centre-nord, laissant des tribus entières à dominance vandale, donc allemande.
Plus près de nous, dès 1914, c’est entre Skikda et Annaba que l’armée allemande a abattu, à partir de la mer, deux soldats algériens, en poste de surveillance. Ils ont été les deux premières victimes de la première guerre mondiale. Il s’agit de deux tlemcéniens du corps des zouaves, Mimoun Bénichou et Yahia Benhamou, morts le 4 Août 1914.
Nous pouvons encore aller plus loin dans cette liste, mais rappelons qu’après la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne a été divisée en deux. La RFA et la RDA. Encore une fois, les destins de ces deux pays vont se rencontrer, puisque la RDA et l’Algérie ont choisi comme modèle de développement le socialisme. Et c’est ainsi que des centaines, voire même des milliers d’Algériens sont partis en DA pour faire leurs études ou pour visiter, tandis que des allemands sont venus travailler en coopérants techniques en Algérie. Il y a eu des croisements, et il existe de nombreux algéro-allemands qui en sont nés.
L’Allemagne et l’Algérie ne sont donc pas des étrangers l’un pour l’autre. Pourtant, ces pays semblent s’être ignorés ces vingt dernières années. Et cette pièce va peut-être contribuer et relancer le lien distendu entre les deux peuples. Pièce intéressante, avec une thématique très sensible. Les actrices ont été soigneusement choisies, puisqu’il s’agit de la suissesse Lucie Zelger, qui avait joué le monologue à Amizour et Béjaia en 2015, et Lydia Larini, originaire de Batna et très connue en Algérie pour s’être produite sur différentes scènes, y compris à la télévision. La voix sublime de Rahima Khalfaoui, Alias Dassin viendra relever le niveau des émotions, avec un fonds musical orchestré par l’irlandais Owen Lasch. Il faut aussi signaler que les costumes et la scénographie ont été conçus par la française Claire Schirck, et que les scénario a été travaillé par une équipe composée par Omar Fetmouche, qui en est l’auteur, Lydia Zimke, Rolf Hemke et Nabil Ziani, sous la direction de production de Sofiane Boukemouche, actuel directeur du TRB et président du FITB, et Nina Eckhardt.
Nabil Z.
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