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Photo du rédacteurNabil Z.

Yann Arthus Bertrand Nous Répond

Suite à notre article intitulé « L’Algérie vue du Ciel » Mensonges et contre-vérités de Yann Arthus Bertrand, le réalisateur du documentaire nous répond.


Dans notre édition du vingt-deux Juin dernier, nous mettions à la une un article très critique à l’égard du documentaire réalisé par Yann Arthus Bertrand, et coproduit par plusieurs partenaires, dont France 2 qui en a aussi assuré la diffusion et le Ministère de la Culture algérien.

Dans cet article, nous avions souligné la beauté des images et le travail photographique magistral réalisé par le journaliste franco-suisse, qui avait, rappelons-le, déjà publié un livre sur le sujet. Cependant, les commentaires associés aux magnifiques images du documentaire prêtent à équivoque. A côté de commentaires intéressants, des insinuations parfois crûes, et d’autres fois très subtiles ont été insérées dans le film, tendant à accréditer par-là, la thèse et l’idéologie de l’arabité de l’Algérie, rejetant ainsi ce qui en fait la substance, son identité, sa culture et sa civilisation amazighes plusieurs fois millénaires.

Cet article a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Il a été maintes et maintes fois copié, partagé et republié sur plusieurs sites. De nombreux commentaires ont été laissés par plusieurs internautes sur la page Facebook de notre quotidien « journal la Cité ». Ils disent partager notre avis sur le sujet, ayant également ressenti un certain malaise suite aux commentaires surprenant ayant accompagné les merveilleuses images.

Cet article est arrivé à Yann Arthus Bertrand lui-même qui a pris contact avec nous pour nous apporter quelques précisions. Il n’est nullement question ici de remettre en question la qualité artistique et technique du journaliste-réalisateur. Il reste l’un des meilleurs au monde dans ce domaine, et cette qualité ne pourrait en aucun cas lui être contestée dans nos colonnes. L’œuvre magistrale de YAB, comme on l’appelle parfois, et connue et reconnue dans le monde entier. Et ce n’est pas de cet aspect-là que notre article a traité. Mais plutôt du manque de prudence dans la recherche de l’information relative à notre identité et l’histoire de notre pays. Les documents qu’il a consultés, ou qu’on lui aurait suggérés, reprennent les fausses thèses sur l’arabité de notre pays. L’origine berbère de notre peuple a quasiment été occultée. Et ce n’est pas par hasard que ça a été fait. YAB ne connait apparemment de l’Algérie que ce qu’il voit au travers de ses caméras, et ce qu’on a bien voulu lui raconter. Ses zooms et autres téléobjectifs ne peuvent montrer ce qui se cache derrière les images, c’est-à-dire l’histoire des Hommes et des peuples.

Ceci dit, la réponse courtoise de Yann Arthus Bertrand que nous reproduisons in extenso, permet de ressentir le malaise dans lequel il a été mis par cet article et l’écho qu’il a eu sur les réseaux sociaux. En affirmant que les autorités algériennes n’ont « découvert le film et son texte définitif qu’à sa diffusion sur France 2 », il tente de le dissimuler. Car, comment croire que le gouvernement algérien qui a financé le projet, au moins en partie, puisse mettre des moyens considérables dont des sommes colossales, des hélicoptères, des services de sécurité et de protection durant le tournage, etc… n’ait pas eu le droit de regard sur le scénario, en le faisant passer par les diverses commissions du FDATIC. Et si le Ministère de la Culture a finalement accepté de financer le projet, c’est qu’il comportait un angle de vue favorable aux thèses défendues par le pouvoir en place. C’est de bonne guerre. Notre pays n’a pas encore atteint la maturité nécessaire pour accepter de financer un projet culturel ou intellectuel qui va à l’encontre de ses propres vues. L’encouragement des intellectuels à poser de vraies problématiques permettant de faire connaître des points de vue contradictoires, n’est pas encore dans les mœurs de notre système politique. Ce fut également le cas pour le film « L’Andalous », de Mohamed Chouikh, qui racontait l’histoire de la chute du dernier royaume Maure d’Andalousie, à sa tête le fameux Bouabdil. Ledit film racontait donc l’histoire de la fin d’un royaume Maure, donc berbère, et le film fut tourné en arabe classique, faignant d’oublier qu’il y a aussi un « arabe maghrébin ». Aucune allusion à une quelconque amazighité n’y a été faite. C’est que le pouvoir algérien est prêt à mettre des fortunes pour soutenir sa thèse officielle de l’arabité de notre pays. Aussi, Il n’y a qu’à voir la récente polémique autour de l’émission Thalassa consacrée il y a quelques semaines au littoral algérien. Des voix de l’intérieur même de la Production française se sont élevées pour dénoncer les conditions anormales de la réalisation du reportage. Les autorités algériennes se seraient impliquées plus que de normal dans lapréparation des reportages, pour donner de notre littoral une image plus belle qu’elle ne l’est en réalité. Non pas à cause de la beauté de la nature, mais des conséquences d’une gestion calamiteuse de notre environnement pas les pouvoirs publics, qu’on avait essayé de maquiller.

Yann Arthus Bertrand est tombé droit dans le piège. Bien sûr que pendant le tournage il y a eu des corrections et des modifications qui n’ont pas été soumis à la « censure ». Il était impossible de le faire. Et pendant le montage, des changements de forme auraient certainement encore pu intervenir. Mais la substance du film lui-même ne peut en aucun cas être modifiée. Ce sont les termes du contrat moral et probablement aussi juridique, qui lient un producteur avec le réalisateur. Une sorte de deal, entre les différentes parties engagées dans l’aboutissement du projet. Mais, YAB, n’-t-il pas été utilisé à son insu ? Sans y mettre trop de pressions, ne l’a-t-on pas subtilement poussé dans cette direction pour lui faire dire des choses qui, de toute évidence, le dépassent ? On peut en effet plaider à sa décharge qu’il aurait pu être victime d’une certaine naïveté de sa part et de sa bonne foi.

D’ailleurs, devant les arguments que nous avons développés, YAB a commencé à se justifier quelque part, en invoquant l’impossibilité de tout dire dans le cadre de ce documentaire, et que de toutes les façons, il aurait tellement été subjugué par la beauté de ce pays qu’il s’est laissé aller à quelques « égarements », pour reprendre le mot qu’il a utilisé dans son courrier. Ce qui constitue un aveu clair de la validité de nos arguments à ses yeux. Le fait qu’il reconnaisse, et ce quel qu’en soient les raisons, qu’il y a eu des égarements de sa part, constitue à nos yeux un mea culpa suffisant pour penser sérieusement à lui pardonner. Cependant, y apporter des corrections pour essayer de corriger ces bourdes permettrait de rehausser l’image de ce grand monsieur du reportage filmé qui, de son propre aveu lors d’une émission de France 3, il y a quelques années, avait reconnu avoir été frappé par les habitants de Bougie qui l’avaient accueilli de façon exceptionnelle. Et il se trouve que ces habitants dont il est question ne sont rien d’autre que des berbères de Kabylie. Une des façons de se racheter, ne serait-il pas de doubler ce documentaire en Tamazight, après y avoir apporté les corrections qui s’imposent. Et pourquoi pas aussi, en arabe ?

Nabil Z.

Le texte du courrier.

« Suite à votre article sur notre film sur l'Algérie diffusé sur France 2. Tout d'abord, et c'est important que vous sachiez, le documentaire "Algérie vue du ciel" n'a été soumis à aucune pression de la part des autorités algériennes. Ces dernières ont en réalité découvert le film et son texte définitif à sa diffusion sur France2 ».

« Par ailleurs, nous avons lu votre intéressant article qui fourmille de passionnants détails sur l'Algérie. Votre connaissance du pays n'est pas à mettre en doute et dépasse de loin en précision ce qu'un film "vu du ciel" peut se permettre de dire et nous n'avons pas pu aller partout … L'ambition plus modeste de ce film était de montrer aux spectateurs combien l'Algérie est belle ».

« Un film d'amour en quelque sorte. Et il faut parfois concéder à l'amour quelques égarements... »


Le courriel est signé par trois personnes : Yann, Yazid et Michaël, qui ont tous collaboré à la réalisation du documentaire en question.


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