L’insistance du pouvoir à aller à des élections présidentielles dans les plus brefs délais, serait-t-elle une fuite en avant pour éviter de devoir faire le bilan de la catastrophe nationale ?
Les crises en Algérie ont été nombreuses et sont régulièrement revenues au-devant de la scène. Le phénomène n’est pas nouveau et ne date pas d’hier. On peut remonter dans le temps jusqu’à la période de la mort de Ptolémée de Maurétanie, fils de Juba II. Depuis, l’Afrique du Nord a été définitivement divisée, et il n’y eut plus d’Etat fort et puissant durant des siècles. Heureusement qu’il y a eu quelques tentatives de réunification durant la période des dynasties berbères, dont Youssef Ibn Tashfine a été l’un des symboles.
Toute tentative de stabiliser les pays de l’Afrique du Nord ont été vouées à l’échec, pour cause de facteurs internes et d’ingérence étrangère. Les facteurs internes peuvent se résumer dans la mise en avant d’ambitions personnelles et la tendance belliqueuse des tribus berbères les unes contre les autres. Pour ce qui concerne l’ingérence étrangère, il suffirait de dire que la présence au sud de la Méditerranée d’un Etat puissant n’arrange pas l’Occident qui, au lieu de chercher des alliances avec le sud, a mis en place une politique d’hostilité et de division.
Les causes du problème
Ceci dit, la crise actuelle que vit l’Algérie, malgré son ampleur inédite, rejoint le même schéma d’une ratatouille composée de problèmes internes réels, et d’ingérence étrangère subtile. On aurait tort de mépriser les appels de Gaïd Salah pour l’organisation d’élections présidentielles dans les meilleurs délais. Ceci dit, alors qu’il affiche une stratégie de Général qui fait de son mieux pour protéger son pays, il donne l’impression qu’il agit sous une pression imposée par des facteurs que sel lui connait, nourri en cela par des informations recueillies par les services de renseignements et les analystes qui le conseillent.
Il est vrai qu’actuellement, il ne se dégage pas de personnalité charismatique capable de faire aboutir les revendications populaires dans un processus démocratique fiable. Tout le monde a envie d’en finir avec cette situation et la formule de « Tetnehaw Gaâ » revendiquée par le mouvement populaire ne peut être une solution viable dans les conditions actuelles.
Tous les acteurs du Mouvement ont pourtant l’intention sérieuse et sincère de trouver la solution à ce problème. Mais comment trouver une solution à un problème qu’on n’arrive pas à cerner et définir de façon concrète ? Quel est le problème de l’Algérie, et de quoi souffre-t-elle ? Pourrait-on mettre la question des présidentielles de côté, le temps de comprendre les raisons qui nous ont conduits à cette crise ? Ne devrait-on pas essayer de résoudre le problème en le prenant par les racines pour éviter que la situation n’empire ?
Les crises successives
Le problème de l’Algérie ne réside pas seulement dans l’incompétence de ses dirigeants, dans la corruption et le détournement des fonds publics. Il est plus profond et plus subtile. Si on jette un regard sur l’histoire de l’Algérie, on se rend compte que les crises se sont suivies sans se ressembler dans la forme. Mais elles crient toutes le même malaise, et l’absence de perspectives viables.
Depuis la naissance du mouvement national dans son ensemble au début du 20eme siècle, la même crise se renouvelle, et le même traitement lui est appliqué. 1926, 1949, 1954, 1962, 1980, 1988, 1992, 2011, et 2019. Ce que ces crises ont en commun, est sans conteste la revendication identitaire. Les algériens ne savent plus qui ils sont. Ils savent seulement qu’ils sont algériens, mais peinent à le définir de façon claire, rendant cette identité floue et difficile à cerner.
La voie identitaire
Le mensonge de l’arabité du Maghreb en général, et celui de l’Algérie en particulier à fait prendre au peuple le mauvais train. Celui du panarabisme et de l’islamisme. Ces deux éléments ont conduit l’Algérie à mener des guerres et des batailles qui ne sont pas les siennes. Les inspirateurs de ces choix ont réussi à détourner le regard de l’Algérien de ses propres problèmes pour s’occuper de ceux des autres en se les appropriant sans aucune légitimité. La Palestine, l’Ouganda, le Sahara Occidental, Cuba, etc… Au moment où le pays avait besoin de mobiliser toutes ses ressources pour consolider l’indépendance, les dirigeants ont préféré s’engager dans des guerres à des milliers de kilomètres de nos frontières et à des années lumières des soucis quotidiens de nos citoyens. L’arabisation de l’école et de l’administration a eu pour effet de convaincre les ignorants de leur fausse identité et les a éloignés des chemins de développement et de prospérité.
Comment trouver une solution aux problèmes de l’Algérie si on n’a pas le courage d’identifier les causes qui les ont provoqués ? Comment désigner un nouveau président qui, de toutes les façons, ne réussira jamais à trouver de solutions réelles, sinon repousser l’échéance d’un nouvel embrasement ?
La solution exige de faire un véritable état des lieux, en faisant le bilan des choix catastrophiques faits dans le passé, à savoir, et pour paraphraser Tahar Djaout, dont le détournement du fleuve n’est pas des moindres. En ayant délibérément choisi de renier notre identité et de nous revêtir d’une autre, nous avons omis de régler nos propres problèmes et nous nous sommes occupés de ceux des autres. Au lieu d’avoir un seul problème, on en a deux sur les bras. Mais le plus lourd des deux est celui de la fausse identité qui gâche notre charme et notre beauté. Il est donc urgent de se débarrasser de ce manteau de tristesse et de mort qu’on nous a mis sur les épaules et de retrouver lalégèreté et la beauté de nos burnous et de nos sandales. La présidentielle deviendra alors évidente, et le peuple dans son ensemble, une fois son identité redécouverte, y adhérera de bon cœur.
Nabil Z.
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